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Où vont les fils ? Olivier Frébourg


C’est un des livres sélectionnés par la librairie La Galerne pour son jury de lecteurs 2020. Si j’ai beaucoup aimé les précédents romans lus pour cette opération, étant même bien en peine de les départager, celui-ci ne m’a pas autant emballé. Il s’agit du récit d’un père après un divorce douloureux, de ses états d’âme, tendance dépression, entrecoupé de réflexions d’ordre sociologique sur l’envahissement du numérique dans notre vie quotidienne, la famille, la surconsommation, l’éducation. Il n’y a pas vraiment de fil narratif, plutôt une accumulation de constatations, beaucoup de redites sur sa difficulté à être un papa solo délaissé par son ex-épouse. Malgré tout, certaines pages, sûrement en miroir avec une situation personnelle, m’ont plus touchée par leur sincérité.



Extrait P 31

Le bonheur profond, ample, souple d’une famille qui se déploie comme une voile m’avait quitté. Désormais, je n’aurais plus qu’une névrose à sucer pour me remémorer l’âge d’or du passé.

J’avais tout perdu au point de vivre dans une sorte d’apesanteur. Plus rien ne me concernait vraiment. Mon quotidien était un éreintant retour de flamme, un arrosage de sentimentalisme. Je comprenais, soudain, le sens de l’expression « grimper au mur ». Cela signifie que votre esprit sort de vous-même et qu’il se colle au mur au point de vouloir s’emmurer. Est-ce le dédoublement, une psychose, le début de la schizophrénie ? L’ouragan de la mélancolie arrachait les palmiers de mon enfance.



Extrait P 66

Il y a encore des tirages papier de nos premières années dans cette maison avant que tout ne soit balayé par le numérique qui participa de l’explosion de notre famille. Nos enfants étaient nés autour de l’an 2000, juste avant ou après la bascule du millénaire. Ils seraient baptisés « Millenials » par l’univers GAFAM. Mais pour le moment ils n’appartiennent à aucun réseau social, qui sera plus tard leur famille, leur parti politique, leur prison.



Extrait P 68

J’ai compris que nous allions connaître la dégrindolade alors que je me trouvais à la montagne avec ma petite famille qui, ce matin-là, dormait encore. C’était en mars 2004. A Madrid, plusieurs trains de banlieue venaient d’exploser : attentats commis par des islamistes marocains. 911 jours après les attaques du 11 septembre 2001. Je regardai alors par la fenêtre du chalet, comme pour remonter à la surface, l’aiguille du Midi éclatante de neige et de lumière. Le sociologue Louis Chauvel venait de publier Les classes moyennes à la dérive. L’Histoire avec sa gueule de feu se réveillait. Et nous les Européens, les petits Occidentaux, nous déclinions. Les classes moyennes, le nœud de notre société, s’appauvrissaient. Ce retournement était l’un des symptômes de la fin de notre civilisation. Il s’accompagnait d’un dérèglement climatique. La nature dans laquelle l’homme avait planté ses banderilles se révoltait et allait l’écraser de son implacable soleil avant elle-même de mourir.



Extrait P 73

Je répète en boucle : un divorce c’est sept deuils en même temps. Deuil d’un amour, deuil de la confiance, deuil de l’amour-propre, deuil d’une vie de famille, deuil des enfants, deuil du présent, deuil de l’avenir. Eclatement. Je ne peux plus me concentrer, lire. Même les journaux qui s’empilent dans la cuisine, sous les fenêtres, soulignent combien je suis à côté de la marche du monde. Ces colonnes de papier déjà vieilli, déjà jauni forment une barricade avec le monde extérieur. Je suis dans les tranchées, les obus tombent de toutes parts. Je pénètre dans la maison en étant convaincu d’être un soldat traversant un terrain après la bataille. Dans cette position un peu défensive, fusil à la main, de celui qui tourne la tête à gauche et à droite, s’attendant à un retour de flamme au milieu des cendres ou à un tir de sniper.



Extrait P 107

Décompensation, c’est un mot qui me vient à l’esprit, au petit matin, lors d’un réveil précoce. Un mot telle une écharpe qui flotte, vous entoure. Mais je dois taire cette violence psychique. Je suis un père. Je dois sourire, les rassurer. Comme une hôtesse de l’air à bord d’un avion qui perd dangereusement de l’altitude. Tout se Crashe. Tout se fissure. Tout s’ébranle mais il faut couvrir les enfants de baisers, de chaleur, chasser les larmes, les petites catastrophes à coups de balai.

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