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Une chambre à soi - Virginia Woolf


Virginia Woolf est une autrice classique et féministe dont je n’avais encore rien lu. Cet essai, mis en avant dans la librairie que je fréquente régulièrement, a attiré mon regard et la quatrième de couverture m’a également appelée. Je m’attendais à quelque chose d’un peu ennuyeux, verbeux...a priori idiots ! Le texte est dense, riche, intelligent et terriblement moderne bien qu’écrit il y a quasiment un siècle.

C’est en effet un essai empreint de féminisme traitant de la place des femmes dans la littérature et plus spécifiquement des écrivaines de romans. A travers ce sujet, Virginia Woolf décrit la société anglaise de la fin du 19ème siècle, les relations entre hommes et femmes et les conventions sociales de cette époque durant laquelle tout pouvoir est essentiellement masculin. C’est une analyse très fine, subtile et empreinte d’humour et d’ironie qu’elle nous livre. Dans son discours, elle fait de nombreuses références à d’autres auteurs emblématiques tels que les sœurs Brontë, Shakespeare (elle imagine l’œuvre qu’aurait pu créer sa sœur !), Jane Austen, Tolstoï ou Proust.


Extraits


La vie pour les gens des deux sexes – et je les regardais se bousculer pour se frayer un passage sur le trottoir – est ardue, difficile, une lutte perpétuelle. Elle exige un courage et une force gigantesques. Et plus que tout autre chose peut-être, elle exige la confiance en soi. Sans cette confiance, nous sommes semblables à des bébés dans leurs berceaux. Et comment pouvons-nous faire naître cette qualité impondérable et cependant si précieuse ? En pensant que els autres sont inférieurs à nous. En sentant que nous avons quelques supériorités innées – la richesse, le rang social, un nez droit ou le portrait du grand-père par Romney – car il n’est pas de limite aux pathétiques inventions de l’imagination humaine. D’où l’énorme importance pour un patriarche conquérant ou patent dans le fait de sentir que beaucoup d’êtres humains – en réalité la moitié du genre humain – lui sont, par leur nature même inférieurs. Sans doute est-ce là une source de son autorité.



Je pensais combien il est plus difficile aujourd’hui qu’il y a un siècle de dire laquelle de ces occupations est la plus élevée, la plus nécessaire ! Vaut-il mieux être porteur de charbon ou bonne d’enfants ? La femme de ménage qui a élevé huit enfants a-t-elle moins d’importance que l’avocat qui a gagné une centaine de livres ? Il est vain de poser de telles questions, car nul ne peut leur donner de réponse. Non seulement la valeur comparée d’une femme de ménage et d’un avocat monte et descend d’une décennie à l’autre, mais encore n’avons-nous pas d’étalon pour les mesurer tels qu’ils sont en ce moment.




Car ici nous nous approchons de ce complexe masculin, une fois encore si intéressant et obscur, qui eut une telle influence sur l’évolution des femmes, le désir profondément enraciné en l’homme, non pas tant qu’elle soit inférieure, mais plutôt que lui soit supérieur, désir qui l’incite à se placer de façon à attirer tous les regards, non seulement dans le domaine de l’art, et à transformer la politique en chasse gardée, même quand le risque qu’il court semble infime et la suppliante humble et dévouée. […]

L’histoire de l’opposition des hommes à l’émancipation des femmes est plus intéressante peut-être que l’histoire de cette émancipation elle-même.




Il serait infiniment regrettable que les femmes écrivissent comme des hommes ou vécussent comme des hommes, car si deux sexes sont tout à fait insuffisants quand on songe à l’étendue et à la diversité du monde, comment nous en tirerions-nous avec un seul ? L’éducation ne devrait-elle pas faire ressortir les différences plutôt que les ressemblances ?




[…] il est néfaste pour celui qui veut écrire de penser à son sexe.

Il est néfaste d’être purement un homme ou une femme ; il faut être femme-masculin ou homme-féminin. Il est néfaste pour une femme de mettre fut-ce le plus petit accent sur une injustice ; de plaider même avec raison une cause ; d’une manière ou d’une autre, de parler sciemment comme une femme. Et « néfaste » n’est pas une figure de rhétorique ; car tout écrit volontairement tendancieux est voué à la mort, cesse d’être fécond, dort. Même si cet écrit semble un jour durant plein de force et fait de main de maître, il doit se faner à la tombée de la nuit et ne pourra croître dans l’esprit d’autrui. L’art de création demande pour s’accomplir qu’ait lieu dans l’esprit une certaine collaboration entre la femme et l’homme. Un certain mariage des contraires doit être consommé.




La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle. Et les femmes ont toujours été pauvres, et cela non seulement depuis deux cents ans, mais depuis le commencement des temps. Les femmes ont eu moins de liberté intellectuelle que les fils des esclaves athéniens. Les femmes n’ont donc pas eu la moindre chance de pouvoir écrire des poèmes. Voilà pourquoi j’ai tant insisté sur l’argent et sur une chambre à soi.

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