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Azincourt par temps de pluie - Jean Teulé



Ce livre m’a été offert par ma sœur, peu de temps après la mort de Jean Teulé, auteur dont j’ai souvent entendu le plus grand bien, mais dont je n’avais encore rien lu, n’étant pas férue de romans historiques. C’est un roman assez court, parfait pour découvrir le style très particulier et, reconnaissable je pense, de l’auteur ! Il écrit avec beaucoup d’ironie et de second degré, c’est plein de vivacité et d’énergie…et d’ailleurs j’ai dévoré son récit de la bataille d’Azincourt, alors que la chevalerie et le Moyen-âge ne sont vraiment pas mes sujets de prédilection ! Mais, de fait, j’ai appris beaucoup sur cette période et cet événement historique de la guerre de 100 ans !

Il s’agit donc du récit de trois jours de bataille entre Anglais et Français, dans le pas de calais, à Azincourt en 1415 ! Déluge de pluie, champ de boue, querelles de pouvoir entre nobles affamés de gloire, scènes épiques de chevalerie, débauche et désastre stratégique pour les Français qui avaient au départ tous les atouts en main.


Extrait n° 1 P 20

Partout, c’est plein de rires, de bruits de gens qui crient, s’appellent, de boucans de pages en livrée ruisselante, de musiciens qui règlent leur vielle. Des valets promènent des chevaux pour qu’ils ne prennent pas froid. Les piétinements de leurs sabots dans la boue se mêlent à ceux des mules. Tout le camp militaire français illumine la nuit d’automne. C’est partout de la gaieté en pensant à l’ennemi là-bas qui sera broyé.


Extrait n°2 P 25

Suivant le tempo de la musique, Charles d’Orléans, de ses paumes, a frappé en rythme contre ses cuisses et maintenant tous les princes qui l’entourent l’acclament alors que, plus ou moins faussement modeste et la larme à l’œil, il leur demande :

- A votre avis, fit-ce bien proclamé ?

- Comme parole d’évangile !

Est-ce dû à l’alcool déjà trop ingurgité, les esprits de la perle de la chevalerie française s’échauffent en projets faramineux :

- Pourquoi n’en profiterions-nous pas, puisque nous sommes tous ici, pour aller en Angleterre voir ce pays et ses gens, prendre la même voie qu’ils ont prise pour venir en France ? A Calais, on monterait à notre tour en mer et par là on irait tout détruire sur leur île…


Extrait n°3 P 33

Profitant de l’éclairage intensifié, Fleur de lys s’approche du champ qu’elle voit mieux près du connétable Charles D’Albret, commandant en chef de l’armée, à qui elle demande :

- Monseigneur, vous plairait-il que je parle ?

- Oui, dites ce que vous voudrez.

- C’est embêtant que ce champ de bataille choisi par vous ne soit pas un vrai rectangle et qu’il se resserre beaucoup au milieu à cause des deux forêts qui l’étranglent de part et d’autre. Cela gênera la trajectoire de vos charges de cavalerie. Et puis curieuse idée de vous être installés en bas du terrain. Il vous faudra monter sa pente boueuse pour les rejoindre au centre. Ce sera fatigant alors qu’eux n’auront qu’à se laisser glisser jusqu’à vous. Il aurait donc été plus pertinent d’aller les provoquer là-haut sur le plateau à découvert.

- Mais la jeune femme châtain comprend vite que son avis de petite pute à soldats n’est pas pris en compte, que les Français négligent le handicap du champ, lorsque Charles d’Albret lui répond avec suffisance :

- - Une bataille en champ clos, c’est la guerre par excellence en respectant les règles du jeu et l’honneur sans jamais aucune espèce de ruse. La chevalerie, aimant le luxe et les festins, a aussi sa conception des hostilités. Nous avons toujours agi ainsi. C’est aussi notre tradition ancestrale.


Extrait n°4 P 50

Le sergent, demeuré à côté de la ribaude songeuse, lui demande :

- Tu penses à quoi ?

- Que la vanité d’une chevalerie d’un autre temps et un roi fou, ça change beaucoup de choses.


Extrait n°5 P115

Les Français ne bougent pas parce qu’ils ne peuvent bouger. Ils sont englués dans la boue jusqu’aux genoux. Les chevaux, sur les ailes, c’est jusqu’aux flancs. Trois heures d’attente à s’impatienter en trépignant sur une telle vase, on s’y enfonce et maintenant ne peut plus soulever ses poulaines.

-Pourquoi est-ce qu’on a attendu les Anglais à cet endroit ?

Situation bizarre, inouïe, à force d’essayer de ne regarder qu’en face l’adversaire, ils ne se sont pas rendu compte qu’ils s’enlisaient et plus personne ne parvient à prendre appui sur une patte pour déplacer l’autre.


Extrait n°6 P 129

Les Anglais déploient toute leur intrépidité tandis que les Français n’ont aucune agilité. Ils ne sont capables de frapper de leur épée comme des machines balourdes. Ah, qu’il y a du deuil dans l’air ! Fleur de lys scrute cette boucherie monstrueuse, ces débordements d’atrocités entre les rassasiés et les affamés qui s’empêtrent parmi les morts et les blessés. C’est sidérant.


Extrait n°7 P 149

Les Anglais en foule à la queue leu leu, tel un courant, longeant les taillis bordant le champ bouillonnant de violence, ramènent leur troupeau de prisonniers appelés messeigneurs jusqu’auprès de Maisoncelle où après leur avoir demandé leur nom ils les rangeront selon leur rang puis discuteront du montant des rançons. Pour l’instant, progressant près d’armures ensoleillées, scintillantes comme des jours de fête, dans lesquelles se trouvent des sources de grands profits, ils n’en espéraient pas autant, alors ils fredonnent une ballade anglaise :

O richesse, richesse,

Ne t’éveilles donc pour aller sur notre île !


Les capturés aussi vont, tranquilles, sachant qu’ils auront la vie sauve selon les lois de la guerre communément admises.


Extrait n°8 P160

Français rempli d’orgueil au risque d’y perdre la vie, dans un fracas de sa hache de guerre qui frappe partout des milords reculant, il se rue vers Henry V entouré de ses gardes du corps. L’oncle du souverain aussi s’interpose. Mal lui en prend car, recevant maints coups, le duc d’York suffoque et meurt d’une crise cardiaque. Corps à terre, sa bouche ouverte fait des bulles dans la vase tandis qu’Alençon tente de frapper de sa hache la tête d’Henry V qui a le réflexe de la baisser en tombant à genoux. Le roi ne perçoit que le choc, à sa couronne soudée au bassinet, d’un des fleurons arraché, volant en éclats. Audace homérique que le responsable de ce forfait regrette aussitôt. Il m’aurait demandé mon avis je l’en aurais dissuadé car, alors qu’il se retire un gant pour le tendre au souverain en se présentant : « Je suis le duc d’Alençon qui a perdu son pari et je me rends à vous ! », il est massacré à coups d’épées bien qu’il crie encore qu’il est le duc d’Alençon.


Extrait n°9 P 166

Il s’encolère, face à l’avalanche continuelle de mercenaires qui continuent de franchir le mur de victimes pour venir dans la bataille avec une épée ou un gourdin au poing, et il panique quand il observe ses archers s’en aller avec chacun un riche noble capturé. Il craint qu’à Maisoncelle ces prisonniers, peut-être mis à délivre par les cambrioleurs de son propre convoi, s’emparent, même s’ils ont juré que non, d’armes abandonnées afin d’attaquer dans le dos l’armée anglaise, pendant que l’arrière-garde française passerait à l’assaut frontalement, et ainsi Henry V se retrouverait pris en étau, alors il se décide :

- Que chacun des longbowmen tue son prisonnier ! Oriflamme de la mort, tous les prisonniers doivent se trouver décapités et leur tête mise au bout d’une pique sauf celle des princes, valant une somme vraiment démesurée, qui seront préservés !

En représailles du forfait commis par la horde de pillards du voisinage et en son appréhension, ce roi, connaissant l’infériorité numérique de son armée, ordonne la mise à mort des captifs pourtant déjà neutralisés. Dans la mer il serait un oursin.

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