Eleanor & Park - Rainbow Rowell
- deslivresetmoi72
- 18 juin 2020
- 3 min de lecture

C’est un livre Ados / jeunes adultes que ma fille m’avait recommandé depuis longtemps, mais je n’avais pas pris le temps de le découvrir à ce moment-là. En cette période compliquée de crise sanitaire et déconfinement, j’avais envie de quelque chose de « facile » ou léger et j’ai opté pour Eleanor & Park. Mais, finalement, les thèmes traités sont tout sauf « légers » ou « faciles » : certes, la lecture est aisée, sans grands effets de style, plutôt sobre, mais les sujets sont graves : la tolérance des différences à l’âge où on se construit, la violence intra-familiale et la force des sentiments.
Eleanor et Park sont dans le même lycée, Eleanor est nouvelle et essaie de se faire sa place… Elle prend la place libre à côté de Park dans le bus scolaire. Après une phase d’indifférence et d’observation mutuelle, les deux ados s’entendent à merveille et partagent des goûts musicaux, la passion des mangas, une singularité revendiquée et tombent amoureux : ils se confrontent alors aux différences de leurs univers et modèles familiaux : Park vit dans une famille unie jouissant d’un certain confort matériel, il a une relation de confiance saine envers ses parents. Eleanor vit avec sa mère, son beau-père et ses frères et sœurs plus jeunes dans une maison trop petite pour eux tous, dans des conditions de précarité et d’insécurité : le beau-père est violent, imprévisible, tyrannique. Eleanor est très mature, la vie lui a déjà enseigné pas mal de leçons, et elle est un peu sans illusions alors que Park est assez « fleur bleue », romantique et confiant en l’avenir. Avec Park, Eleanor s’autorise petit à petit, par moment à baisser la garde…
C’est donc un roman initiatique sur une thématique assez classique, mais l’auteur y développe des thèmes intéressants avec souvent des points de vue originaux. J’ai bien aimé le temps passé avec ces deux jeunes attachants.
Extraits :
La nouvelle a pris une grande inspiration et elle s’est avancée dans l’allée. Personne ne la regardait. Park essayait de l’ignorer aussi, mais c’était un peu comme ignorer un train qui déraille ou une éclipse. La fille avait vraiment la tête de celle à qui ce genre de situation arrivait souvent.
Elle n’était pas seulement nouvelle, elle était grosse et gauche. Avec des cheveux hallucinants, rouges et bouclés. Et elle était habillée comme… comme si elle voulait qu’on la remarque. Ou peut-être qu’elle ne se rendait pas compte de sa dégaine. Elle portait une chemise à carreaux pour homme, avec cinq ou six colliers bizarres autour du cou et des foulards aux poignets. Elle lui faisait penser à un épouvantail ou aux poupées de chagrin que sa mère avait sur sa commode. À quelque chose qui ne survivrait pas en pleine nature.
Tenir la main d’Eleanor, c’était comme tenir un papillon. Ou un battement de cœur. C’était tenir une chose pleine, et pleinement vivante. Dès qu’il l’a touchée, il s’est demandé comment il avait tenu aussi longtemps sans le faire.
Elle avait le nez long et le menton affûté, les pommettes hautes et rebondies. En la regardant, on pouvait croire qu’elle avait été sculptée dans la proue d’un navire viking, ou alors peinte sur le fuselage d’un avion… Eleanor lui ressemblait beaucoup. Mais pas assez. Eleanor ressemblait à sa mère vue à travers un bocal. Plus ronde et plus douce. Rebondie. Là où sa mère était sculpturale, Eleanor était lourde. Là où sa mère était finement dessinée, Eleanor était empâtée.
Eleanor avait raison : elle n’était jamais jolie. Elle ressemblait à une œuvre d’art. L’art n’avait rien à voir avec le beau, il existait pour faire ressentir des choses.
Eleanor avait réponse à tout. Mais elle avait le don pour esquiver la plupart de ses questions. Elle n’évoquait ni sa famille ni sa maison. Elle n’évoquait ni ce qu’il s’était passé avant qu’elle emménage dans le quartier ni ce qu’il se passait après qu’elle descende du bus.
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