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Jamais là par hasard - Lorraine Fouchet


Livre que j’avais offert à ma sœur pour son anniversaire, choisi pour la distraire et la détendre. Elle a beaucoup aimé et me l’a ensuite prêté ! C’est assez différent de ce que j’ai lu récemment, mais j’avais déjà lu quelques romans de Lorraine Fouchet il y a quelques années. J’ai retrouvé avec plaisir son univers et son écriture fluide et sensible. C’est un roman bien construit, les personnages sont attachants et l’ensemble est très plaisant et dépaysant.

Ambroise, journaliste sur la touche, Flore, traductrice, et Arwen, jeune femme en rémission d’un cancer,  se retrouvent ensemble pour un séjour en Laponie à la « chasse » aux aurores boréales alors qu’ils ne se connaissent pas et n’ont, a priori, rien en commun…sauf qu’ils ne sont pas vraiment réunis par hasard comme ils vont le découvrir assez vite ! Ils vont apprendre à se connaître et comprendre petit à petit ce qui les lie. L’histoire est séduisante et prenante, on est très vite « accroché » et l’ensemble se lit d’une traite, comme une friandise littéraire.


Extrait P 16

C’aurait été génial de partir avec Louis et les enfants. Seule, je n’y songe même pas. Je chasse de mes pensées la vision fugitive des enfants se battant hilare à coups de boules de neige, ou celle de Louis et moi enlacés sous une couverture à l’arrière d’un traîneau. Il fait glacial là-bas, Louis m’aurait réchauffée. Il réchauffe désormais la baby-sitter, je risquerais de me transformer en stalactite.

Quand les enfants ne sont pas là, un silence oppressant règne dans l’appartement, personne ne se chamaille, ne chante, ne danse, ne renverse son verre, n’éparpille des miettes que le tapis ou le canapé. Le sapin décoré me provoque, je me retiens de ne pas le balancer par la fenêtre. C’est à pleurer de solitude. Les souvenirs affluent : ma rencontre solaire avec Louis lors d’un dîner assommant, se demande en mariage en haut d’une montgolfière en me chantant Le Cinéma façon Claude Nougaro, nos années de fête. Je n’ai pas vu venir la jolie baby-sitter, j’étais tranquille, confiante, stupide. Louis s’est soudain coifé différemment, il a changé de style vestimentaire, il s’est remis au tennis avec un vieux copain, je ne me suis douté d erien, jusqu’au soir où Denis est passé parce qu’il était dans le coin. Plus tard, Louis est rentré, les cheveux humides après la douche, en pérorant ;

- J’ai gagné 6-2, 6-3, 6-1, Denis était furax !

- Moi, je l’ai trouvé très calme, au contraire, ai-je répliqué au traître.

J’enfile un vieux sweat et je vais courir pour me vider la tête.

Le soir, j’oublie de dîner. De dormir aussi. Je me sers un whisky, le bois à petits gorgées en grignotant du chocolat. J’allume la télévision, zappe d’une chaîne à l’autre, me couche à minuit plein, sombre dans un sommeil gluant. Je me réveille en sursaut à quatre heures du matin. Lis, cogite, lis, mouline des idées amères. A trente-sept ans, il est temps que je me reprenne en main.

 


Extrait P132

En gros, le cercle proche des personnes en thérapie avait trois types de réactions : les premiers en faisaient des caisses, envoyaient des emoji cœur ou des petites vidéos marrantes tous les jours. Même si ça partait d’une bonne intention, ça revenait à crier « Moi je suis en pleine forme, toi pas. » Les deuxièmes étaient mal à l’aise, pleins de bonne volonté, et répétaient avec des trémolos dans la voix : « N’hésite pas à ma demander si je peux t’aider, je suis là ». Mais lorsqu’on leur demandait un service, ça tombait mal dans leur vie hyper occupée. Ils étaient disponibles pour téléphoner, pas pour modifier le programme de leur journée. Les troisièmes se rendaient utiles et aimants en adaptant leur emploi du temps – ça réchauffait diablement.

Ceux qui se plaignaient d’une broutille – mal dormi, souci domestique – et qui disaient, avec une insupportable pitié : « Je t’en parle mais évidemment c’est peanuts par rapport à ce que tu vis », donnais envie de mordre. « A quoi ça sert que tu me le rappelles, tu crois que j’ai oublié ? Au contraire, parle-moi de ta nuit pourrie, ça me changera les idées ! »

 

Extrait P152

J’ai entendu les médecins discuter entre eux. Mon coma est profond. Mon cœur bat parce que c’est un muscle. Tant que je suis branché au respirateur, il reçoit assez d’oxygène pour fonctionner, comme une voiture avance tant qu’elle a de l’essence, et mes organes sont perfusés. Mon cerveau va bientôt tomber en panne sèche. Je serai en mort encéphalique, sans reflexe, sans réaction.

Ils ont abordé le sujet du don d’organes. Les miens seront transplantables à condition qu’ils restent oxygénés. LA précision m’a fait bondir : soyez des pros, bordel, démerdez-vous, utilisez ce corps et ce cœur dont j’ai pris soin, que mes heures de jogging servent à quelque chose ! J’ai respiré les roses et l’océan, fumé des joints mais jamais clopé, mes poumons sont au top. J’ai admiré les merveilles du monde, le colisée, le Taj Mahal, Pétra, le grand canal de Venise, les dzongs du Boutan et l’aurore de Rovaniemi, mes yeux ont engrangé la beauté. Mon foie va bien merci, mes reins remplissent leur office. Dans le genre occasion, je suis une aubaine, à vous de trouver des amateurs pour mes pièces détachées.

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