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L'enragé - Sorj Chalandon


Sorj Chalandon est un auteur que j’ai découvert avec Le quatrième mur que j’avais beaucoup aimé. Depuis, j’ai lu plusieurs de ses romans avec plaisir et j’avais hâte de découvrir L’enragé. Finalement, mon avis est un peu partagé à l’issue de cette lecture : j’ai eu du mal à passer le cap de la première partie. C’est dur, noir, brutal…L’auteur n’y va pas avec le dos de la cuiller dans la description de la violence et des sévices subis par les enfants de la « colonie » pénitentiaire de Belle-île. A plusieurs reprises, cette partie m’a évoqué certains écrits de John Irving ou Le destin miraculeux d’Edgar Mint (Brady Udall) : des descriptions insoutenables d’enfants brisés par la cruauté des adultes…enfants qu’on déshumanise, et paradoxalement, ce qui m’incite à poursuivre la lecture dans ces récits, ce sont justement les petits éclats d’humanité qui transparaissent chez ses enfants, preuve que tout espoir n’est pas perdu.

Par contre, une fois cette première partie terminée, j’ai vraiment beaucoup aimé la suite du roman, les personnages secondaires très attachants et profondément humains, pour mieux contrebalancer la noirceur du début.

 

A Belle-ile, dans les années 30, un centre rassemble des enfants considérés comme des dangereux délinquants, en fait, des orphelins, des enfants marqués par la pauvreté qui n’ont bien souvent pas eu d’autre choix que de voler pour survivre. Les surveillants sont des caricatures : brutes qui ne savent que réprimer sous le moindre prétexte. Ces enfants sont « utilisés » pour travailler et à peine nourris, la révolte gronde et finit par exploser permettant à 56 des « colons » de s’échapper une nuit d’août 1934. Commence alors une chase aux enfants, avec récompense à la clé pour quiconque permettra de les rattraper… Tous finiront par être pris, sauf un, Jules Bonneau, alias La Teigne. Ensuite, en cavale, Jules va rencontrer différents personnages qui vont lui tendre la main … Les lecteurs sont ainsi plongés dans le monde fermé de des pêcheurs de Belle-île, dans le contexte social difficile de l’entre-deux guerres. C’est décidément ce pan-là du roman qui m’a séduite !

 

Extrait P 24

Chautemps, Le Goff, Napoléon, Le Rosse, Chameau, Toupet, Le Rat, tous ces cogneurs en uniformes, ces matons à la moustache grasse, hurleurs, suant l’alcool, ces salauds nous en font voir. Education correctionnelle, comme ils disent. Ils veulent nous instruire, nous ramener au bien. Pour nous inculquer le sentiment de l’honneur ils nous redressent à coups de trique et de talons boueux. Ils nous insultent, ils nous maltraitent, ils nous punissent du cachot, une pièce noire, un placard étroit, une tombe. Ils nous menacent le jour et la nuit. Ils nous malaxent, nous brisent, nous pétrissent comme de la pâte. Ils concassent les mauvaises graines. Ils nous veulent tendres et lisses comme du pain blanc. A la salle de police les chenapans, les nuisibles, les voyous. A la taloche les dégénérés, les vicieux, les incorrigibles. Au mitard les infâmes. Briser les tout-petits, étrangler les plus grands, les rêves des uns, la colère des autres. Transformer ces gibiers de potence en futurs soldats puis en hommes, puis en plus rien. Des spectres qui erreront dans la vie comme dans les couloirs d’un bagne, serviles, honteux. Qui iront à l’usine les épaules basses, comme à confesse. Qui jamais ne se révolteront. Qui s’étourdiront au bal du samedi, à la rencontre d’un jupon. Et qui l’épouseront sous le coup du vin, l’urgence d’un ventre plein. Vie en lambeaux, sans grâce, sans lumière. Puis qui mourront, un matin pour rien, avec le masque gris d’un enfant de Belle-île.

 

Extrait P 76

Les frères Rolin étaient sauvages. Lucien, 16 ans, René, 13 ans, deux fauves. Et Marcelle avait une jambe trop courte pour marcher comme nous. Lucien jouait à être Jean Valjean. René se prenait pour Lucien. A 18 ans, Marcelle mettait des talons et se maquillait. Pour eux, justice était un gros mot. Ils avaient vu leur mère mourir, leur père sombrer. Ils ne croyaient plus en rien. Ils avaient trop souffert. Personne ne pourrait jamais les ramener à la raison. Lorsque j’ai suivi les frères à vélo, je n’étais qu’un cancre d’école buissonnière. Mais leur colère allait faire de moi un criminel.

 

Extrait P86

Lorsque je suis retourné au dortoir, mon matelas n’avait pas été touché. Personne n’a plus jamais défait mon lit. J’avais cogné, j’avais encaissé, je n’avais pas dénoncé. Respect. A côté de ma table de nuit, j’ai même pu afficher une vieille photo de la Citroën 5 CV, qu’on appelait « La petite citron », à cause de sa couleur jaune. Cette voiture, j’en rêvais depuis l’enfance. J’en voyais une, toujours la même, la seule, passer dans les rues de Laval, avec un père, une mère et leur fils à l’arrière, assis bien droit au milieu. Ils roulaient souvent la capote baissée. Ils prenaient des airs. Surtout le gamin, quand il me voyait traîner sur le trottoir. Je marchais, il roulait.

[…]

En arrivais à Belle-île, j’avais la photo de la voiture dans mon paquetage, découpée dans un vieux journal qui traînait. L’image était en noir et blanc, alors j’avais colorié sa carrosserie grise en jaune citron. J’aurai la même plus tard, quand je serai grand. Ce jaune-vert était une preuve de la liberté. Saisir la manivelle à deux mains, m’installer sur le siège, poser mes gants de conducteur sur le volant en cuir. Et puis rouler loin, le visage giflé par la vitesse. Laisser le haut mur dans mon dos, les matons, les salauds qui piétinaient le lit des nouveaux. Rouler dans la campagne, dans les forêts, au bord des lacs. M’arrêter où et quand je le voudrais. Et trouver une chic fille pour le siège d’à côté, qui aurait un foulard différent pour chaque jour de vent. Et puis quelqu’un derrière, un jour, sur le siège fait exprès. Une fille, un fils, je m’en fichais. Mais un enfant de l’amour, qui n’aurait jamais de ruban de soie grise au poignet. Qui ne prendrait pas un air supérieur. Qui ne ferait pas envie aux autres avec sa petite duchesse au chocolat. Et qui ne cracherait pas pour faire honte aux pauvres.

 

Extrait P110

Les victimes comme Loiseau étaient la monstruosité de ce système. Il était innocent et je déteste les innocents. J’ai plus d’appétit pour le bourreau que pour sa victime. Je déteste les persécutés. Je déteste les yeux baissés. Je déteste les plaintes. Je déteste les dos courbés. Je déteste ceux qui s’en vont mourir les mains vides.

Et puis Loiseau m’a aidé. Ici, là, un jour, un autre, résistant à sa manière. Il avait détourné les journaux du Bouc, caché mon couteau sur lui avant une fouille, il avait volé pour moi, menti pour moi, risqué pour moi la punition. Nous étions deux contraires. Moi les poings, lui l’esquive. Je hurlais, il chuchotait. Lui l’ombre, moi la lumière. Nous ne nous devions rien. Mais à sa manière chacun protégeait l’autre. Une alliance de survie. Presque une amitié.

Jamais de ma vie je n’avais pensé au mot ami. Jamais je ne l’avais employé pour personne. Je suis né sans proches, ni parents ni amis. Ni les baisers d’une mère, ni les ordres d’un père.

 

Extrait P130

Il avait raison, je le savais. Nous allions le payer. Mais pourquoi s’évader ? S’évader où ? Personne n’avait jamais eu l’intention de s’évader. Seulement avoir un peu de temps en plus. Voler quelques heures pour nous. Et puis leur faire mal. Que la peur change de camp.

Qu’est-ce qui nous attendait en bas de ce mur ? Les rochers, et puis quoi encore ? L’océan ? Le vent s’était levé dans la soirée. De l’autre côté du chemin de ronde, presque à nos pieds, la mer était grosse. L’écume étincelait dans la pénombre. Des embruns glacés salaient nos lèvres. La tempête hurlait la force des vagues. J’ai eu peur.


Extrait P 150

Je me suis relevé, la silhouette de Loiseau au cœur. Sa voix suppliante. Son cri de moineau sous la gifle du gendarme. Ses jambes brisées par Le Rosse. J’avais abandonné mon ami. J’étais malheureux. J’étais douloureux des coups reçus la veille. Epuisé par cette matinée, attaché au mât. Par ces années d’humiliations et de souffrances. J’étais usé par les privations et le travail forcé. J’étais blessé et furieux. C’était elle, ma colère, qui allait guider mes pas et me conduire à travers la lande. Elle, qui éclairerait ma traversée de la nuit. Elle, ma colère, qui me libérerait de cette saleté d’île. Je voulais que mes galoches laissent dans sa terre l’empreinte de ma rage.

 

Extrait P 190

Ronan m’a donné une bourrade.

-          Tu es attentif ?

Je l’étais. J’avais commencé à trembler.

-          Toute l’île s’est lancée à vos trousses.

-          J’ai vu.

-          Même des touristes, tu te rends compte ?

Je me rendais compte.

Il était en colère. Je ne pansais pas qu’au-delà des murs, quelqu’un pouvait nous comprendre.

-          Savais-tu qu’il y avait une récompense pour chaque tête ?

-          Oui, j’ai murmuré.

-          20 francs argent, tu imagines ?

Il enrageait.

-Et ces salopards y sont allés pour toucher leur pièce ?

Il a craché dans la nuit, par-dessus bord.

[…]

-          Je vous pose une question, et on se rendort.

L’équipage regardait le patron.

-          Je veux savoir ce que mes gars pensent de la chasse aux enfants.

J’ai cessé de respirer. Le novice a vaguement levé la main, comme à l’école.

-          La quoi ?

-          La battue pour retrouver les évadés de la colonie.

Le jeune a hoché la tête.

-          Ah, ça ? Toute ma famille y a participé.

-          Ta famille ?

Il a ri.

-          Toute oui, même mon chien.

-          Et ?

Le novice ne comprenait pas.

-          Et quoi ?

-          Tu es fier d’eux ?

Le visage du gamin, ses yeux, son front plissé. Il avait senti le piège.

-          Dis-moi que tu ne les aurais pas suivis, toi ?

Alain s’est interposé :

-          Ne réponds pas, petit !

Geste dur du patron.

-          Laisse parler le novice !

Le jeune a hésité.

-          Ben si, j’y serais allé. Ce sont des criminels !

-          Mais ta gueule ! a coupé Alain.

Il le protégeait.

-          Tu sais quoi, novice, je vais te dire ce qu’il y a derrière le mur. Des voleurs de chaussures, des orphelins, des vagabonds, des mendiants. Les voilà, tes criminels !

Jamais je n’avais entendu ça.

-          Tu vois, tu y serais à la colonie si je n’avais pas aidé ta famille.

Ronan serrait les poings.

-          Tu nous parles de ta famille ? Mais c’est quoi, ta famille ? Un ivrogne qui a foutu le camp, une mère malade, un grand frère boiteux, et toi que j’ai embauché ?

Le novice avait baissé la tête.

-          C’est ça ta famille, garçon !

Il a claqué deux doigts.

-          Et ton chien ! Merde, je l’avais oublié, celui-là !

Il s’est penché vers le jeune marin.

-          La phtisie de ta mère, la patte folle de ton frère et les puces de ton chien, la voilà, ta famille ! Sans le travail que je t’ai donné, vos assiettes seraient vides. Sans mon bateau, tu aurais volé du pain et tu te serais retrouvé là-bas, comme un criminel !

Le petit, toujours tête basse.

-          Regarde-moi, novice.

Il a levé les yeux.

-          Ce sont des dizaines de Perig qui tentent de sauver leur peau cette nuit. Tu m’entends ?

Oui, de la tête.

-          S’il te plaît, souviens-toi toujours d’où tu viens.

 


Extrait P 234

 

Dans le journal du lendemain, il avait tout recopié soigneusement, sans aucune vérification. Et il n’y avait pour toute illustration que le cliché touchant du saint directeur consolant le bon Larron. Plus tard, on a retrouvé le nom de Rouxelin un peu partout dans les journaux sérieux et les gazettes légères. Dans le fameux hebdomadaire Détective, un gendarme anonyme disait avoir été touché par son histoire d’amour avec une Belliloise. Ronan m’avait entouré un passage de l’article : « Une déesse en jupons lui aurait apporté des vivres. » Il disait que les journalistes copiaient sur l’épaule du voisin. Nous en avions la preuve. EN riant, il m’a même assuré que dans quatre-vingts ans, nos petits-enfants trouveraient les jupons de la déesse et le beau Rouxelin dans de doctes travaux consacrés à la colonie, une fois que seule une poignée d’historiens locaux se passionneront encore pour ses murs.

Mais pour l’heure, Ronan savourait.

Au matin du mercredi 29 août 1934, deux nuits après la révolte, la Maison d’éducation surveillée de Haute-Boulogne se retrouverait avec un Jules Bonneau en moins et un Léon Rouxelin en plus. Et pourtant le compte y était. Si le récit bellilois validait ce tour de passe-passe, personne, jamais, n’avait plus aucune raison de me rechercher.

Pour la première fois, je me suis dit que j’allais peut-être réussir mon évasion.

 

Extrait P 236

Ce soir-là, sur ses conseils, j’avais enfoncé un bonnet de laine, monté un foulard sur mon menton et relevé le col de mon ciré. Un pêcheur comme un autre. Nous avons remonté le quai en silence, et poussé la porte du café. La salle était bruyante d’hommes, enfumée de tabac, frissonnante de légendes marines et des exploits de vieux pêcheurs aujourd’hui prisonniers du quai. Le limonadier avait le regard franc, un sourire de beau temps. Lorsque nous sommes entrés, les cinq, soudés comme à la remonte du filet, il a lancé aux clients attablés :

-          Mesdames, Messieurs, La Sainte-Sophie !

Il a souri. Et ajouté :

-          Même si les Frères manquent parfois de dames.

J’ai aimé sa façon de ne pas nous adresser la parole, comme l’aurait fait un patron normal à des clients ordinaires. Il a prononcé le nom du bateau et aligné nos ballons sur le comptoir, sans un regard pour nous, rajoutant pour lui un sixième verre. J’ai aimé sa manière de servir la goutte, du brutal, réservé aux équipages sauvés des eaux. Il levait et abaissait le goulot au-dessus de chaque verre.


Extrait P 240

Le patron de pêche est allé rejoindre son rameur, le verre à la main. Même cérémonial. Le petit homme s’est levé, main tendue. Il a soulevé son chapeau en lui indiquant une chaise. Dans le brouhaha, je n’entendais rien. Mais les trois riaient fort à présent. Ils ont trinqué. Ronan s’est incliné pour prendre congé. Alain a commandé deux verres de vin. Il restait avec son nouvel ami.

 

Nous sommes sortis dans la rue, le patron et moi. Il était excité.

-          Tu ne devineras jamais qui est ce Parisien !

Je ne devinais pas, non. Il m’a regardé.

-          C’est le contraire d’un flic.

Il a fait une mine, bouche en cul-de-poule et cils battants.

-          C’est un poète.

Il a levé un doigt en l’air.

-          Mais attention, il est très drôle !

 

Extrait P338

Sophie a rapproché sa chaise de celle de Ronan, puis elle a posé la tête sur l’épaule de son mari. Je n’avais plus que des plaintes en tête. Des visages de femmes martyrisées. Sophie racontait bien. Je me suis excusé. J’avais mal dormi. Je voulais me reposer jusqu’au déjeuner.

-          Pareil, a souri Sophie.

Une fois encore, elle avait renvoyé La Teigne à sa niche. Et m’avait appris que l’avortement n’était pas un caprice, mais une preuve de malheur.

 

 

Extrait P 376

-          Mesdames, Messieurs, je réclame toute votre attention.

Un chansonnier qui entrait en scène. Ronan a sifflé entre ses dents, Sophie l’a applaudi. Le communiste faisait ce qu’il pouvait pour me divertir. Les deux riaient de ses efforts.

-          Oui, un discours !

-          Non, un poème, a répondu Alain d’une voix grave.

Sourires.

Il s’est tourné vers moi.

-          Tu te souviens de Jacques, le Parisien ?

J’ai hoché la tête.

-          Le flic en civil ?

Le rameur a ri.

-          Voilà. Le poulet qui n’en était pas un.

Il a ouvert le petit fascicule.

-          Il nous avait dit qu’il écrirait un poème.

Je me souvenais.

-          Au début, j’ai cru que c’était bidon. Comme tous ces touristes qui croient nous éblouir avec leurs histoires à la con.

-          Sauf que c’était vrai, a soufflé Sophie.

Alain, comme sidéré.

-          Oui, patronne. Vrai de vrai. Il l’a écrit. Et c’est publié dans une revue.

Alain a pris la pause. Il a commencé à lire. Voix ampoulée de comique troupier.

-          «  La chasse à l’enfant

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Au-dessus… »

Il a froncé les sourcils et s’est  arrêté, bouche ouverte.

-          Non, merde, ça ne va pas !

-          Continue, s’il te plaît, a murmuré Ronan.

Geste énervé.

-          Avec ma voix de crécelle, on dirait des vers de mirliton.

Il a rendu le poème à Sophie.

-          Tiens, lis, toi. Moi, je suis juste bon à gueuler des slogans.

Alors Sophie s’est levée. Elle a pris le poème et passé l’autre main sous le bras du marin. Ils se sont mis face à moi, l’un contre l’autre, deux acteurs tragiques. J’ai pensé à Alexandre. Alain avait été son parrain. Ronan et Sophie me regardaient comme un fils.

«  … Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

C’est la meute des honnêtes gens

Qui fait la chasse à l’enfant.

Il avait dit j’en ai assez des maisons de redressement

Et les gardiens à coups de clefs lui avaient brisé les dents

Et puis l’avaient laissé étendu sur le ciment.

Bandit ! Vo… »

Je me suis levé. Sophie a cessé de lire. Doucement, je lui ai enlevé le poème des mains. Elle n’a pas été surprise. Alain non plus. Ronan savait. Tout cela était brutal pour moi.

-          Je le lirai seul, merci, Alain.

J’étais trop triste pour rester dans la salle commune.

 

Extrait P 393

Pantxo m’a ouvert la porte sans un mot, comme un ami. Ronan m’avait dit un jour :

-          L’ami, c’est celui qui ouvre sa porte au milieu de la nuit sans te poser de questions.

Le Basque était comme ça. Je n’étais ni de sa terre ni de sa mer, mais il avait reconnu en moi un copain de tire-bouchon. Je passais souvent chez lui lorsque nous étions au port. Pour un verre de cidre, de vin, une halte ou une question.

 

Extrait P 398

Et puis je me suis levé. Je me suis accoudé au bastingage arrière. J’ai regardé la côte s’éloigner. Puis s’enfoncer dans les vagues. Puis disparaître. Plus que l’eau. Partout. Tout autour. Ni terre, ni mur, rien. Plus que le ciel immense et l’océan gris.

J’ai fermé les yeux. J’étais heureux, fier, malheureux et triste, tout cela à la fois. Je n’avais pu sauver ni Camille, ni aucun de mes camarades de captivité.

Au fond de mon ventre, j’ai senti la colère.

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