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La fille du train - Paula Hawkins


C’est un livre qui m’attendait depuis très longtemps : à sa sortie, j’en avais beaucoup entendu parler… peut-être trop ! Je l’ai redécouvert dans ma liste récemment et je l’ai commencé sans plus trop savoir à quoi m’attendre. C’est un thriller plutôt psychologique assez original et bien construit. L’auteure nous emmène dans l’univers de trois jeunes femmes vivant dans la banlieue de Londres dont les vies se croisent et interfèrent. Elle alterne les chapitres présentant le point de vue de chacune. Au fil des pages, l’intrigue prend en densité, se complexifie au fur et à mesure qu’on cerne mieux les personnalités de ces femmes et leurs failles. Le suspense est au rendez-vous, la tension psychologique monte jusqu’au dénouement. J’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman au succès mérité.

Qui est « La fille du train » ? C’est Rachel, jeune femme paumée après sa séparation d’avec Tom, suite à son alcoolisme déclenché par la découverte de sa stérilité. Bien qu’ayant perdu son emploi, elle prend tous les jours le train pour aller à Londres, faisant croire à sa logeuse qu’elle travaille encore. De ce train, au niveau d’un feu, elle voit son ancienne maison, celle où Tom vit désormais avec sa nouvelle et jeune compagne, Anna, et leur petite fille Evie. Elle s’amuse aussi à observer la maison habitée par un jeune couple dont elle idéalise la vie. Tout dérape quand la jeune femme de cette maison, au bord de la ligne de chemin de fer, disparaît. Du soir de la disparition de Megan, Rachel ne se souvient que d’avoir bu et d’être allée dans sa rue, et s’être « réveillée » blessée…sans aucun souvenir des événements de la soirée. Elle va s’impliquer dans l’enquête et en devenir un témoin essentiel.

Au-delà de l’enquête, j’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteure montre l’emprise psychologique d’un manipulateur sur ses victimes, les réactions de culpabilisation des victimes, leur aveuglement.


Extrait n°1

Un soleil radieux dans un ciel sans nuages, personne à voir, rien à faire. Vivre comme je le fais, c’est plus difficile l’été, avec ces journées si longues, si peu d’obscurité où se dissimuler, alors que les gens sortent se promener, leur bonheur est si évident que c’en est presque agressif. C’est épuisant, et c’est à vous de culpabiliser de ne pas vous y mettre, vous aussi.


Extrait n°2

Evidemment, je ne la vois pas. Je ne sais pas si elle peint, ou si Jason a n rire contagieux, ou si Jess a des pommettes saillantes. Je ne peux pas voir son visage d’ici et je n’ai jamais entendu la voix de Jason. Je ne les jamais vus de près, ils ne vivaient pas dans cette maison quand j’habitais plus bas dans la rue. Ils ont emménagé après mon départ, il y a deux ans, je ne sais pas quand exactement. Je crois que j’ai commencé à les remarquer au cours de l’année dernière et, peu à peu, les mois ont passé et ils sont devenus importants pour moi. Je ne sais pas non plus comment ils s’appellent, alors j’ai dû les baptiser moi-même. Jason, parce qu’il est beau comme une star de cinéma britannique, pas un Johnny Depp ou un Brad Pitt, mais comme un Colin Firth ou un Jason Isaacs. Et Jess, ça va bien avec Jason, et ça va bien avec elle. C’est parfait pour elle, jolie et insouciante. Ils vont ensemble, ils sont faits l’un pour l’autre. Et ça se voit qu’ils sont heureux. Ils sont comme moi avant, comme Tom et moi il y a cinq ans. Ils sont tout ce que j’ai perdu, tout ce que je voudrais.


Extrait n°3

Je n’ai pas les mots pour décrire ce que j’ai ressenti ce jour-là, mais à cet instant, dans le train, je suis furieuse. J’ai les ongles enfoncés dans les paumes et les larmes me piquent les yeux. Une colère intense m’envahit. J’ai l’impression qu’on m’a volé quelque chose. Comment a-t-elle pu ? Comment Jess peut-elle faire cela ? C’est quoi, son problème ? Quand on voit la vie qu’elle a, comme elle est belle, cette vie ! Je n’ai jamais compris ceux qui peuvent écarter sans le moindre remord le mal qu’ils font autour d’eux en suivant leur cœur. Qui a dit qu’il était bon de suivre son cœur ? C’est de l’égoïsme pur, un besoin égocentrique de les avoir tous à ses pieds, la haine monte en moi.


Extrait n°4

Si elle n’est pas là, alors elle ne m’a pas vue ni entendue rentrer hier soir, ce qui signifie qu’elle ne sait pas dans quel état j’étais. Ca devrait m’être égal, et pourtant ça ne l’est pas : la honte que je ressens après un incident de ce genre est directement proportionnelle à la gravité de la situation, mais surtout au nombre de gens qui en ont été témoins.


Extrait n°5

J’essaie désespérément de trouver un sens à un morceau furtif de souvenir. Je suis presque sûre que je me suis disputé avec quelqu’un, ou que j’ai vu une dispute. Est-ce que c’était avec Anna ? Je tâte la blessure que j’ai sur mon crâne, puis la coupure sur ma lèvre. J’arrive presque à voir, à distinguer les mots, mais le souvenir m’échappe une nouvelle fois. Je suis incapable de m’y accrocher. Chaque fois que je crois pouvoir le saisir, il recule dans les ténèbres, hors de portée.


Extrait n°6

Dans mon malheur, je me suis sentie très seule. Je me suis isolée, alors j’ai bu, un peu, puis un peu plus, et ça m’a rendu plus solitaire encore, parce que personne n’aime passer du temps avec une saoularde. J’ai bu et j’ai perdu, j’ai perdu et j’ai bu. J’aimais mon travail mais je n’avais pas non plus un métier passionnant, et même si ça avait été la cas… Soyons francs, encore aujourd’hui, la valeur d’une femme se mesure à deux choses : sa beauté ou son rôle de mère. Je ne suis pas belle, et je ne peux pas avoir d’enfant. Je ne vaux rien.


Extrait n°7

Dans le train, sur le chemin du retour, alors que je dissèque tout ce qui est allé de travers au cours de cette journée, je me rends compte avec surprise que je ne me sens pas aussi mal que je l’aurais cru. En y réfléchissant, je sais à quoi c’est dû : je n’ai rien bu hier, et je n’ai toujours pas envie de boire ce soir. Pour la première fois depuis bien longtemps, je m’intéresse à autre chose qu’à mon propre malheur. J’ai un but. Ou, en tout cas, une distraction.


Extrait n°8

Il faut que j’arrive au bout de mon histoire. Il faut que je la raconte à quelqu’un, juste une fois. Dire les mots à voix haute. Si ça ne sort pas de moi, ça finira par me dévorer de l’intérieur. Le vide en moi, celui qu’ils ont laissé, continuera de grandir et grandir encore jusqu’à me consumer entièrement. Je vais devoir ravaler ma fierté et ma honte, et aller le voir. Il faudra bien qu’il m’écoute. Je ferai tout pour qu’il m’écoute.


Extrait n°9

Je n’ai pas été forte, j’ai été inconsciente, et il m’est impossible d’évaluer les dégâts que j’ai commis. Peut-être que le courage qu’il me faut, ce n’est pas celui de dire la vérité, mais uniquement celui de partir. Pour elle et pour moi, désormais, l’heure est venue : je dois m’éloigner d’eux deux, de tout ça. Peut-être qu’en réalité je suis faite pour la fuite et les secrets.


Extrait n° 10

Tom me dévisage, sourcils froncés. Il réfléchit à ce qu’il peut faire pour arranger la situation. Il ne s’inquiète pas pour Anna, ça se voit. C’est moi, le problème.

- Elle était un peu comme toi, dit-il soudain. Il s’appuie contre le dossier du canapé et déplace sa fille pour mieux l’installer sur ses genoux.

- Enfin, comme toi et à la fois rien à voir. Elle avait ce truc… C’était une fille à problèmes, tu vois. Je ne peux pas résister à ça. Il me sourit.

- Tu me connais : j’aime voler au secours des demoiselles en détresse.

- Tu n’as jamais secouru personne, je réponds calmement.

- Enfin, Rach, tu exagères. Tu ne te souviens pas ? Pauvre Rachel, si triste que son papa soit mort, et qui voulait juste que quelqu’un soit là pour elle, que quelqu’un l’aime ? Je t’ai donné tout ça. Je t’ai donné la sécurité. Et puis tu as décidé de tout foutre en l’air, mais ça tu ne peux pas me le reprocher.

- Je peux te reprocher un bon nombre de choses, tom.

- Non, non. Il agite l’index devant mes yeux.

- On ne va pas réécrire l’histoire. J’ai été gentil avec toi. J’ai pris soin de toi.

Ce n’est qu’à ce moment que je comprends enfin : il se ment à lui-même autant qu’il me ment à moi. Il y croit. Il est réellement persuadé qu’il a été gentil avec moi.



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