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La fin d'une ère - la saga des Cazalets - Elizabeth Jane Howard


C’est le cinquième et dernier tome de la Saga des Cazalet. Une fois ce tome terminé, je suis à la fois heureuse de l’avoir lu, de connaître le destin de tous les personnages, à la fois très différents et attachants, de cette famille, mais je suis également triste de les laisser, de savoir que je ne les retrouverai plus. Le travail d’Elizabeth Jane Howard est magnifique, et ce dernier tome clôture en beauté la saga en détaillant plus particulièrement la vie de la troisième génération ( Polly, Clary, Neville, Simon, Teddy), sans négliger leurs parents, nouveaux piliers de la famille ( Hugh , Edward, Rupert, Rachel). On y découvre les évolutions sociales et les nouvelles difficultés économiques des années 50 pour leur entreprise familiale qui n’a pas réussi à s’adapter aux nouvelles méthodes. J’ai vraiment beaucoup aimé cette saga, tant sur la forme, classique avec une tonalité un peu désuète mais charmante, que sur le fond !


Extrait P 103

Une fois qu’elles furent installées, Louise réussit à ravaler sa colère et son sentiment d’humiliation pour dire : « Je suis désolée. J4ai tellement honte. » Les larmes lui montèrent aux yeux. « Il y a toujours de la place pour moi à cette fichue table, et ils auraient pu se serrer pour ajouter un couvert. »

Stella lui tendit une des serviettes en papier. « Elle n’aime peut-être pas les juifs. » Elle l’avait dit d’un ton léger, mais sa remarque, trahissant une longue et affligeante expérience, aggrava le malaise de Louise.

« Tu es ma meilleure amie, mon père le sait, et tu as sacrifié une journée entière de vacances pour les aider. Je suis mortifiée. Ta famille a toujours été charmante avec moi. » Elle marqua une pause, puis reprit d’une voix à peine audible : «

- Tu ne les changeras pas ni l’un ni l’autre. Tu ferais mieux de les accepter tels qu’ils sont et de ne pas les laisser te blesser.

- Je déteste avoir honte de mon père. Il est si lâche qu’il lui cède toujours. Je déteste voir ça. Et je la déteste, elle.

- Plus facile à dire qu’à faire.

- Comme tout.

- Tu sais quoi ? Je vais nous chercher une bouteille de vin. Je suis sûre que Marie en a une dans la cuisine.

- Bonne idée. »

Les familles ne se ressemblaient pas, songea Stella, alors que Louise était partie chercher le vin. Son père la bombardait de questions sur son travail de journaliste politique, lorsqu’il ne lui reprochait pas de ne pas avoir fait d’études de médecine. Quant à ses tantes et à sa mère, elles n’avaient que les petits amis et le mariage à la bouche. Mais aussi exaspérants qu’ils soient, ils se souciaient d’elle. La pauvre Louise devait supporter un père lâche, une mère aigrie et cette belle-mère hostile et prédatrice.



Extrait P185

Joseph, qui ne l’avait pas quitté des yeux, déclara : « Mais je suis en train de gâcher votre dîner avec mon interrogatoire, cher ami – vous permettez que je vous appelle Edward ? La semaine dernière, Louise et moi sommes allés au Royal Court voir Laurence Olivier. Quelle belle performance d’acteur, n’est-ce pas, chérie ?

- Oh oui ! Il jouait le rôle d’un artiste de cabaret sur le retour. Il était extraordinaire, tellement miteux et vulgaire – et triste ! C’était formidable. Tu devrais y aller, Papa – ça te plairait beaucoup. »

Elle était sur le point de proposer d’y retourner avec lui lorsqu’il dit : « Ça ferait plaisir à Diana. Elle adore venir passer une soirée à Londres – ça la change de la campagne, où elle s’ennuie en mon absence. »

Joseph, qui avait eu droit à un récit détaillé du comportement de Diana en France, accrocha une seconde le regard de Louise, et celle-ci, plutôt que de se sentir contrariée, eut seulement envie de rire. On ne peut pas empêcher les gens d’épouser des personnes épouvantables – seulement se féliciter de ne pas être à leur place.


Extrait P190

A force de relire la lettre, Clary la connaissait presque par cœur. Le cœur ! Le sien semblait avoir été poignardé tant de fois qu’il n’était plus qu’une grande plaie sanguinolente, incapable d’en supporter davantage.

Elle sortit du café et marcha jusqu’à Hyde Park, dans l’espoir de trouver un banc tranquille où elle pourrait pleurer et tenter de surmonter le choc.

Elle avait eu tant de mal, au début, à croire qu’il l’aimait vraiment. Elle se souvenait du temps qu’il lui avait fallu pour réapprendre à faire confiance, des trésors de patience et de délicatesse qu’il avait déployés pour l’y aider, jusqu’à ce que, grâce au plaisir et à la joie d’une tendre vie de famille, elle réussisse à vaincre sa piètre opinion d’elle-même et à apaiser ses angoisses, désormais limitées à quelques inquiétudes concernant leur manque d’argent chronique, son roman, ou la nécessité de cuisiner autant.

Et maintenant – ça. Cette attaque surprise ; cet horrible, ce monstrueux cliché. Un homme mûr et marié tombe amoureux d’une jeune fille, dont les seins ne devaient pas s’affaisser après l’allaitement de deux bébés, dont ( sans aucun doute) le teint parfait n’était pas altéré par des ridules ou cernes au terme de plusieurs mois de nuits sans sommeil. Une fille émoustillée par l’attention d’un séduisant homme plus âgé, qui devait s’imaginer vivre une histoire follement romantique, qui l’avait peut-être encouragé à s’enfuir avec elle… Depuis combien de temps ça durait ? Si ça se trouve, il écrivait ce genre de lettres depuis des mois, tandis que les résolutions qu’il y prenait étaient chaque fois battues en brèche par les réponses pathétiques et éperdues de la jeune fille… ce qui signifiait qu’il mentait à Clary depuis de mois….

Lorsqu’elle eût pleuré tout son soûl, la colère prit le relais ; une très grosse colère. Il ne pourrait écrire une lettre pareille s’il l’aimait. Elle y apparaissait comme un simple devoir – une responsabilité, à l’instar des enfants. En pensant à eux, elle enragea de plus belle. Comment pouvait-il leur faire ça ?

Elle s’était maintenant convaincue qu’il allait l’abandonner, la laisser se débrouiller avec deux enfants malheureux qu’elle aurait tout juste de quoi nourrir, à qui elle tenterait de dissimuler son cœur brisé, sans jamais dénigrer leur perfide papa. Puis une fois les enfants en âge de la quitter, elle devrait se résoudre à une vie de solitude…Aussi sombre et terrible qu’il apparût, l’avenir n’était pourtant rien comparé au présent. Depuis combien de temps se persuadait-elle qu’il l’aimait, alors qu’il était amoureux d’une autre et lui mentait ? Depuis combien de temps était-elle humiliée ainsi ? Est-ce que toute le classe à Camberwell savait – ou du moins devinait – ce qui se passait ? Comment avait-elle pu manquer d’intuition, au point de ne pas sentir qu’il avait changé ? Et quels étaient maintenant ses sentiments pour lui – pour Archie ?



Extrait P276

Soudain, ses yeux se remplirent de larmes et elle se tourna vers Zoé. « Est-ce que tu as parfois l’impression que le mariage est un métier ? Qui ne laisse aucun temps libre ? Où, quels que soient les trucs moches qui arrivent, on est obligé de les supporter ? »

Zoé tira une chaise de la table, fit asseoir Clary et poussa vers elle un paquet de Gauloises et des allumettes avant de répondre. 3 Moi aussi, au début, j’ai cru que je n’étais pas faite pour ça. J’adorais Rupert, mais je ne comprenais pas pourquoi il tenait tant à peindre alors qu’il aurait eu un meilleur emploi dans l’entreprise. Je ne me sentais pas à la hauteur comparée à Villy et Sybil, ce qui me rendait agressive et exigeante vis-à-vis de Rupe. Alors, je sais de quoi tu parles. Vous traversez une mauvaise passe, c’est ça ?

- C’est ma faute, dit-elle en allumant sa cigarette. Entièrement ma faute.

- Ce n’est jamais la faute d’un seul, dit Zoé.



Extrait P341

« Je sais bien que tu as dix-sept ans, ma chérie, mais tu n’en as pas vingt-cinq, et tu te comportes parfois comme une gamine de douze. Tu crois tout savoir, mais tu te trompes. Il n’est pas question que tu te promènes un samedi soir dans le West- End avec une autre fille de ton âge. Si tu veux voir Audrey, tu n’as qu’à l’inviter à dîner ici.

- Alors là, merci bien. »

Zoë, qui ramassait du linge sale éparpillé par terre dans la chambre de sa fille, répliqua : « Je t’interdis de me parler sur ce ton. Et je te demanderai d’éviter d’être grossière à table devant Georgie. Ce n’est bon ni pour lui, ni pour toi. Tu es trop grande pour avoir un comportement aussi puéril.

- Je vois. Je ne suis pas assez grande pour faire ce que je veux, mais trop pour faire ce que tu ne veux pas. »

Juliet, en train de rassembler des tasses et mugs sales pour les poser sur le plateau que sa mère avait apporté à cet effet, se laissa tomber si brusquement sur la chaise devant sa coiffeuse que le plateau bascula et que du café froid gicla sur la tapis.

« Va chercher une serviette humide dans la salle de bains. »

L’air rageur, elle obéit.

Est-ce que j’étais comme ça à son âge ? se demanda Zoë. Sûrement pas aussi imbuvable. Je vais donc devoir charger Rupert de la recadrer. Ma pauvre maman n’avait pas de Rupert : elle a dû se débrouiller toute seule. Zoë en conclut qu’elle devrait se montrer plus patiente, essayer de savoir si Juliet était malheureuse à l’école, perturbée par le possible déménagement à Southhampton, dont elle voyait ce qu’il pouvait avoir de perturbant.

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