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La vie interdite - Didier Van Cauwelaert


Van Cauwelaert est un auteur que j’ai découvert et apprécié il y a de nombreuses années. En tombant par hasard sur ce roman, la quatrième de couverture m’a fait espérer un roman rythmé, drôle, un peu satirique, parfait pour une lecture de vacances ! Au final, j’ai été déçue et me suis plutôt ennuyée pendant cette lecture que j’ai failli interrompre…J’ai continué dans l’attente de plus d’émotions, de plus d’humour…mais je suis restée sur ma faim. Je crois pouvoir dire que je suis totalement passée à côté de ce roman qui ne me laissera pas grand souvenir…Pourtant je me souviens d’avoir vraiment apprécier de nombreux autres livres : Jules, La demi-pensionnaire, Un aller simple, L’éducation d’une fée, Hors de moi…


L’idée de départ du roman est surprenante : un homme de 35 ans meurt et raconte ce qui se passe après son décès : les réactions de sa famille, de ses amis…Il a la faculté de se déplacer pour suivre leurs vies, connaître leurs pensées et états d’âme. Il essaie de trouver comment intervenir sur leurs vies et manifester sa présence. Il partage aussi des souvenir de sa vie passée, ses regrets…


Je n’ai pas réussi à m’attacher à ce personnage somme toute assez banal, ni à retrouver le ton décalé ou l’humour dont l’auteur a fait preuve dans d’autres œuvres…Déception en ce qui me concerne !


Extrait P9

J’ignore d’ailleurs si je suis déjà froid. Cette manière de dire « je », indifféremment, pour qualifier les soixante-treize kilos de chair inerte et la personnalité qui s’en est évadée m’agace, mais je n’arrive pas encore, en parlant de moi, à me dissocier. Ça viendra, peut-être. Combien de temps vais-je rester dans cet état ? Ma conscience est-elle appelée à mourir, elle aussi ? A l’image du canard décapité qui continue à courir quelques instants, suis-je en train de me survivre par réflexe, par illusion, le temps que l’information de ma mort se soit communiquée à tous les centres nerveux de mon cerveau ? Peut-être qu’au fin fond du cortex, un poste de contrôle ignore l’événement, résiste à la tendance générale ou refuse de se rendre. Une sorte de salle de lancement qui aurait procédé d’urgence à al mise en orbite de mon intelligence, sous forme d’un satellite destiné à perpétuer ma vision du monde – était-ce vraiment indispensable ? Pour être tout à fait sincère, je m’en fous. La seule chose qui pourrait m’intéresser dans la survie, c’est de ressusciter.


Extrait P 81

Habitué à décrypter ses propos, souvent en avance d’un raisonnement, je comprenais qu’il voulait me témoigner par là une certaine solidarité, tout en me reprochant au passage sa condition d’enfant non désiré. « Vraiment, tu aurais pu faire attention. » Cette phrase m’avait suffoqué, bouleversé, autant par le mal de vivre qu’elle trahissait que par la grandeur d’âme de mon petit garçon. Les mots m’avaient manqué pour renchérir, le détromper, lui dire je t’aime et pardon d’une manière aussi belle et modeste que celle qu’il avait choisie. Lâchement, j’avais désigné une étoile filante pour détourner la conversation. Et, les yeux au ciel, nous avions continué à tourner en spirale dans notre wagon plein de rires et d’effroi.

J’essaie de me rattraper ce soir, de lui dire que sans lui ma vie n’aurait servi à rien et que je remercie Fabienne d’avoir forcé mon consentement. Tu m’as cru indifférent, Lucien, encombré par ta venue, ta croissance, ton intelligence trop rapides, et c’est vrai que j’étais doué davantage pour aimer les êtres immuables ou disparus. J’ai tellement eu peur de t’abîmer, de peser sur toi à la façon de mon père qui, je ne lui en veux pas, m’a déformé comme une canne à force de m’enfoncer toujours dans son chemin. Je t’ai laissé tranquille pour que tu puisses m’aimer ans effort, sans révolte, sans danger, si tel était ton désir, ou bien me détester sans remords si tu en avais besoin pour te construire. Ignorant la peur d’être seul, la jalousie, l’autorité, l’instinct de possession, la vanité de briller par ma descendance, je ne pouvais t’élever qu’en appliquant le principe de mon merveilleux grand-^ère que tu n’as pas connu – et dont tu portes le prénom malgré l’opposition de ta maman qui trouvait que ça faisait ouvrier : « Qui aime bien fout la paix. »


Extrait P144

Elle regarde l’heure. Encore cinq minutes avant le rituel du rideau de fer. Le jour où je lui ai demandé pourquoi elle s’obstinait à ouvrir une heure trop tôt, elle m’a répondu qu’un matin, à sept heures et demie, elle avait fait attendre l’électricien dans le froid. La portée de cette phrase toute simple et si profonde, où je n’avais voulu voir que l’angoisse de rater une vente, abruti, m’atteint comme une gifle. La petite fille des courants d’air n’avait jamais disparu, sous les manteaux en cachemire et les gants de chevreau. Sa compassion, la manière spontanée dont elle s’identifiait à tous ceux qui n’avaient pas la possibilité de vivre au chaud était la seule faiblesse qu’elle s’autorisait.

Elle versait cinq pour cent de nos bénéfices aux sans-abris, et j’avais eu la bêtise d’y voir une mesure d’allégement fiscal. L’heure où Fabienne était, derrière ses vitrines illuminées, la première commerçante ouverte de la ville représentait, plus que le symbole de son ascension sociale, l’image du bonheur qu’elle se sentait tenue d’offrir à ceux qui n’avaient pas eu sa chance.



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