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Le grand secours - Thomas B. Reverdy


J’ai déjà lu et beaucoup apprécié d’autres romans de Thomas B. Reverdy. J’avais donc vraiment hâte de découvrir son dernier livre dont la quatrième de couverture annonce des thèmes qui me tiennent à cœur. C’est un roman à la temporalité particulière puisque toute l’intrigue se déroule sur une seule et unique journée, dans et aux abords d’un lycée de banlieue, à Bondy très précisément. Il est très différent des précédents livres que j’avais lus de cet auteur, même si on retrouve des thèmes communs, et j’ai vraiment adoré ce récit ! Il est juste, percutant, d’une précision quasi journalistique pour rendre compte de la vie d’un lycée « difficile », du métier d’enseignant dans ces établissements délaissés, des rapports entre adolescents, des codes sociaux dans ces cités dont on ne parle que pour évoquer les faits divers dramatiques qui y ont régulièrement lieu. Tous les personnages sont intéressants et bien décrits, Thomas Reverdy ne tombe jamais dans la caricature et brosse des portraits tout en nuances. C’est intelligent, bien écrit avec un rythme des phrases qui colle à l’urgence du propos, très actuel…un livre qui devrait être lu dans tous les ministères concernés par l’éducation, la jeunesse, le logement, la justice, la ville !

 

Extrait P12-13

Mo vient du Carré, le quartier au-dessus du Marché. Sa mère l’a fait partir très tôt ce matin parce que hier il y a eu des coups de feu, là-bas. Des tirs de kalachnikovs. La voisine du deuxième, elle a une balle qui est venue se ficher dans son mur, elle l’a montrée à tout le monde, toute la journée, c’est tout juste si elle ne faisait payer la visite. La mère de Mo a dit, Tu pars à 7 heures, il ne se passe jamais rien à 7 heures. Tout ça, c’est à cause de la drogue. Elle a dit, Tu vas à l’école et tu n’y touches jamais, Mo, c’est compris ? Jamais. Il a souri. Les mères font ce qu’elles peuvent, mais c’est de plus en plus difficile. Ce matin, quand il est sorti, à 7 heures, Mo est parti la tête baissée dans le froid coupant, des cernes sous les yeux, la capuche enfoncée jusqu’aux sourcils, les mains dans les poches et le sac sur une épaule, il faisait vraiment nuit, le long des allées de réverbères cassés, et c’est vrai qu’il n’a croisé personne. Il a traversé l’ancien marché, incendié cet hiver, a longé les immeubles de cinq étages rangés en ligne de bataille comme une armée silencieuse, les rues aux noms de résistants communistes et de poètes, a pris le petit chemin qui passe sous l’autoroute et remonte vers Bobigny. Il s’est arrêté sur le pont pour regarder le soleil se lever.

 

Extrait P29

Sauf que Lucky, ce qu’il pêche, c’est des clopes. Tous les mégots jetés autour de sAbribus, pour tromper le temps, l’ennui ou la mort.

Ce n’est pas son nom mais plus personne ne sait comment il s’appelle, même pas lui. C’est un Français ou il en a tout l’air, les yeux bleus comme un candidat à la présidentielle. Des grands yeux fous, clairs comme des phares, dans un visage long et ridé au-delà des expressions humaines. Le genre de visage taillé aux électrochocs. Des épis qui dépassent d’une tignasse coupée court. Les gens s’écartent. Tous ceux qu’il croise, il les regarde dans les yeux. Incapable de ciller. Il avise les gens qui fument comme s’il verrouillait des cibles et il fonce. Droit dans les yeux, t’as pas une clope.

 

Extrait P33

N’empêche, tu peux respecter les profs dont tu n’aimes pas la matière. La prof de français, elle ne s’énerve jamais pour rien, mais elle ne laisse rien passer, elle ne lâche rien. C’est une dure, ça se voit, au début de l’année elle a convoqué Mahdi à la fin de chaque cours, elle a appelé ses parents, elle hurlait dès qu’il ouvrait la bouche, c’était le conflit, la guerre, mais c’était une base de relation honnête. Il essayait de déborder, il se faisait taper sur les doigts, il réessayait, etc. Peu à peu il a appris à la connaître. Fait en sorte de passer sous son radar. Elle n’est pas cool, la prof de français, mais elle est fiable…

 

Extrait P39

Parce qu’il n’est pas le plus grand ni le plus fort de la bande, qu’il marche plutôt bien à l’école, qu’il vit avec sa mère seule, qu’il s’occupe bien de ses petits frères et de ses sœurs et qu’il n’a jamais touché à la drogue, même pas aux joints qui circulent, les après-midis de rien, Mo a plein de raisons de vouloir un peu plus de justice et d’ordre, et qu’on arrête de la faire chier.

 

Extrait P 44

La lassitude, avant 8 heures du matin, c’est pas bon pour les vocations.

 

Extrait P46

Dans cette classe de seconde, elle a eu du mal à s’imposer cette année, à cause de ces trois ou quatre élèves qui l’ont testée pendant tout le premier trimestre, à ne pas prendre de notes, à ne pas rendre les devoirs, à intervenir en cours n’importe comment, se lever sans demander, parler sans demander, s’interpeller à travers la classe. C’était vraiment la corrida, ce premier trimestre. Elle y est arrivée mais c’est de plus en plus dur, c’est ce qu’elle se dit, la faute à la politique d’orientation, ou à la politique de la ville, ou à la politique sociale, ou à la société de consommation, aux gamins sauvages, à la drogue qui gangrène tout, aux réseaux sociaux qui remplacent à la fois les informations et le savoir par une bouillie d’invectives, ou bien c’est elle qui vieillit. Les élèves, eux, ils ont toujours le même âge.

Il y a tout de même des gamins qui donnent envie de continuer à se battre. Dans la même classe, il y en a qui s’en sortent. Mohamed, elle l’a aperçu tout à l’heure en levant la tête lorsqu’elle arrivait sous le pont de Bondy. Un élève discret, fin. Il a de l’humour. Il lit. Il lui demande des conseils, il va au CDI. Elle a même commencé à lui prêter des bouquins à elle quand elle a compris qu’il ne pouvait pas en acheter. Le gamin est un peu fluet, là où il vit c’est le genre que les autres emmerdent depuis qu’il est petit, alors soit il se mettait à la boxe, soit il se mettait à lire.

Il semble à Candice que l’époque est de plus en plus à la boxe, ou bien c’est elle qui vieillit.

 


Extrait P 49

Actuellement il semble avoir beaucoup de mal à se concentrer, il n’arrête pas de faire des allers-retours de sa bouche à ses yeux à elle, pendant qu’elle lui parle, pendant qu’elle lui sourit. Il a l’air maladroit, ou gêné. Il n’a pas bien décidé encore ce qui est le plus gênant, i si c’est gênant d’ailleurs plutôt pour sa pudeur à elle ou pour sa timidité à lui, ni si ce sont ses yeux, ni si ce sont ses lèvres, alors il plonge dans son café brûlant. Il dit Merde ! et se mord la langue et manque d’en renverser partout. C’est toujours comme ça. La maladresse, c’est un truc de timide.

 

Extrait P 77

C’est un boulot où on ne peut pas aller aux chiottes, se dit-il. C’est une vraie différence entre les métiers : ceux où l’on peut s’absenter, dire qu’on revient dans dix minutes, et ceux où l’on ne peut pas. Prof, on ne peut pas. Une fois toutes les deux heures. C’est un peu le même rythme qu’à l’usine sur ce point.

 

Extrait P 91

Il y a toujours, parmi celles qui se taisent, des jeunes filles qui ont très bien entendu le message et qui n’en pensent pas moins. Elles ne peuvent pas l’exprimer parce qu’elles ont été élevées pour ne pas formuler ce genre d’idée, mais elles écoutent la prof, elles regardent bouger ses lèvres rouges, ses yeux qui les percent, elles regardent ses jambes longues, ses cuisses qui tendent la toile de son jean quand elle bouge, son soutien-gorge qui se devine sous le chemisier, elles regardent la prof, et ses mots rouges s’impriment en elles. Elles pensent : C’est donc possible. Elles sont elles-mêmes en train de se métamorphoser, mais elles ne savent pas bien en quoi, encore.

C’est pour celles-là bien souvent qu’elle fait cours. Des gamines comme Sara, dans sa classe de seconde.

 

Extrait P 115

On ne chauffe pas ici ? Il n’y a que deux radiateurs, et il n’y en a qu’un qui marche, lui répond un ancien, un vieux prof en veste de blazer élimée aux coudes et aux poignets. Tu veux un café ? Paul refuse en pensant au goût d’endive cuite.

Ça ne doit pas leur faire ça, aux profs. Ils sont habitués. Mais de revenir aujourd’hui dans un lycée pour mener, quatre demi-journées par semaine, des ateliers d’écriture avec ces jeunes, de franchir de nouveau, adulte, la porte d’un lycée, c’est une drôle de sensation. Bien obligé de constater qu’on ne les comprend plus, ces jeunes, et bien obligé de se rappeler qu’on est soi-même passé par là.

C’est comme de se rencontrer tel qu’on était quand on était jeune, et de constater qu’on n’a plus grand-chose à se dire.

Tout le monde est passé par l’école. Tout le monde y a laissé de bons et de mauvais souvenirs. Des copains. Des histoires de cœur. Des souvenirs de profs trop sévères, trop bizarres ou trop cool. Et quelque chose de pas tout à fait réglé, quand mêle, avec ce qu’on a fait de tout ça, se dit-il. Comme si ça pouvait être de leur faute, ce qu’on est devenu. Ce qui nous est arrivé ensuite, et ce qu’on est devenu. De la faute des parents ou des profs.

Même quand on réussit, on trouve à y redire. On ne se sent pas autorisé, entre l’imposture et la trahison.

 

Extrait P122

C’est si facile de tomber quand tu as grandi là. Les voyous et les ennuis, il faudrait les éviter tout le temps, mais dans une cité où on vit tous les uns avec les autres, c’est mission impossible.

 

Extrait P150

Un écrivain, c’est comme ça, peut-être. Quelqu’un qui rêve plus qu’il ne vit. Et c’est déjà plus que la plupart des gens.

 

Extrait P154

C’est une sorte d’échangeur géant, au bord de la ville, un enchevêtrement de voies. Ce n’est pas fait pour les piétons, ce genre d’endroits, mais ça ne veut pas dire que ça n’a pas sa poésie. Mo regarde autour de lui.

Il dépasse le terrain vague, enfin cette espèce de parking étrange, entre le camp de Gitans déserté et la casse automobile, il n’aime pas cet endroit où l’on aperçoit le soir des ombres furtives, peut-être des trafics, argent contre désespoir, entre deux veines, entre deux voitures, des ombres qui se croisent dans des rayons de lune et s’échangent contre argent liquide tout ce que la misère peut vendre, des corps au vent et des âmes au diable.

 

Extrait P182-183

Il y avait des gens, des profs qui avaient peur. Des comme moi qui étaient effondrés. Ils avaient tué Cabu, quand même. Un vieux monsieur, coupe au bol et lunettes rondes, soixante-huitard souriant, qui avait dessiné le grand Duduche, putain, ils l’avaient massacré. Et puis il y a eu les questions gênantes. […]

Ils étaient mal à l’aise, mais ça se formulait peu à peu, cette idée, ils disaient, Les caricatures et tout ça, c’est quand même, enfin c’est pas qu’ils l’ont cherché, hein, mais tu vois, c’est quand même un blasphème. Le truc sur les sensibilités. Putain, entendre des collègues dire ça ! Ça a été un gros choc.

Les salauds ne se rendaient même pas compte qu’en disant ça ils étaient absolument racistes. En refusant de condamner au prétexte d’éviter l’amalgame, ils étaient en train d’en faire un énorme, d’amalgame, et d’enfoncer le clou. C’est eux qui disaient au final que les élèves avaient quelque chose à voir avec toute cette merde. Parce qu’à Rouen ou à Limoges, ça leur a pas posé beaucoup de problèmes, de faire une minute de silence. Les élèves, « nos élèves » comme ils disent, leur milieu social, familial, leur origine ethnique, culturelle et religieuse, et c’est au nom de cette stigmatisation insupportable qu’il ne faudrait pas faire d’amalgame. Salauds ! ils ont tout inversé, tout confondu. Et le consensus a volé en éclats.

On a préparé Samuel Paty.

Il y a comme une partition depuis, je la sens, je ne saurais pas bien te dire qui, comment, mais il y a deux sortes de profs de banlieue depuis. Et c’est plus compliqué que l’extrême droite, tu vois, parce que ceux qui n’étaient pas Charlie à ce moment-là, ils étaient plutôt à gauche de la gauche. Mais ça a coupé la salle en deux. La France, peut-être. En tout cas, la gauche, elle ne s’en est pas relevée.

Il y a eu ceux qui ont fait cette minute de silence parce que les élèves méritaient d’être intégrés dans ce deuil, et ceux qui ne l’ont pas faite parce qu’ils avaient peur de stigmatiser des élèves qu’ils ne considéraient, finalement, que comme de pauvres Arabes. Mais en faisant mine d’être de leur côté, tu vois, en les considérant comme des victimes.

 

Extrait P197

Candice arrive à la hauteur de Paul qui l’attend toujours de l’autre côté de la rue, contre le mur du Chinois et, alors qu’elle commence à traverser en jetant des coups d’œil aux uns et aux autres, parce que les adolescents sont tout à fait capables de ne pas voir les gens à cause de leur myopie chronique, et de leur foncer dessus ou de leur lancer une balle à la figure, surtout sur les vieux qui sont toujours un peu inattendus, alors qu’elle continue d’avancer et qu’on ne peut plus douter que ce ne soit vers lui, à présent qu’elle a presque traversé la rue, Paul relève la tête et la dévisage comme s’il la voyait pour la première fois. Il lui adresse un sourire désarmant qui lui fait penser à son père. Ni charmeur, ni maladroitement emprunt de sous-entendus, un sourire large et franc, plein de bienveillance et de grâce, un sourire tout à fait humain, pour tout dire, sous ses yeux de chien sympathique et joueur, ses yeux encore jeunes dans son corps dégingandé, un sourire comme d ‘un vieil ami qui tombe à pic, dont elle aurait forcément besoin, là, précisément maintenant.

 

Extrait P 234

Ce n’est pas une pièce sur l’ascension sociale impossible ( Le Bourgeois gentilhomme) ou le transfuge de classe ou je ne sais quoi à la mode, c’est une pièce sur le théâtre. Sur le bonheur de jouer la comédie et de s’amuser à tenir des rôles. Sur la folie peut-être d’y croire un peu pour les rendre crédibles. C’est une pièce sur le rire propre à la comédie, où l’on rit avec les comédiens, aux dépens de personnages dont on sait que ce ne sont que des personnages, puisqu’on est venus au théâtre pour les voir. Les spectateurs ne sont pas idiots.

C’est très français de croire qu’on rit contre. L’ironie, Voltaire, c’est venu plus tard. Le grinçant. La morale. Molière a du génie, il n’a pas besoin, pour grimper plus haut, de marcher sur des nains.

On rit avec, pas contre.

 

Extrait P 248

Mais le plus inquiétant c’est un bruit ronflant et lointain de voix, de cris, dont l’origine ne peut être qu’une foule nombreuse. Comme une manif. Comme une émeute. C’est une idée qui lui traverse l’esprit mais dont elle ne comprend pas elle-même les implications réelles.

Une prof qui fumait sur le parking la rejoint devant le lycée. Elle n’a pas vu la voiture. A entendu les embardées de la voiture, les klaxons, la barrière cassée. Il y a une sorte de tension dans l’air. Il se passe quelque chose, mais ni la prof ni Nathalie n’ont véritablement envie de faire les cent mètres qui les séparent du coin de S et des poubelles, d’aller voir ce qui produit ce bruit de grondements et de cris au carrefour.

C’est comme un orage, dit Nathalie.

On sent qu’il se prépare quelque chose de noir, d’électrique et de menaçant. Mais on ne sait pas bien quand ça va éclater.

Des sirènes lointaines, ambiguës, retentissent et se rapprochent, sans qu’on sache si elles annoncent le problème ou la solution.

 

Extrait P 254

Paul dit que la littérature parle du monde qui nous entoure et nous aide à le sentir, parce que les mots sont comme un sixième sens pour l’homme, comme l’ouïe ou la vue, une façon d’appréhender le réel. Il dit que  l’imagination est une faculté intellectuelle qui participe à notre compréhension du monde. Même les poulpes ont de l’imagination. Même les mathématiciens s’en servent pour résoudre des problèmes. Il dit que les écrivains nous font sentir des choses que nous n’avions pas remarquées ou pas nommées comme ça, et que ces choses entrent en nous et font désormais partie de notre mémoire. Comme si nous avions vécu cette expérience. […]

Votre imagination c’est comme un souvenir, c’est comme une mémoire, mais devant. C’est un souvenir de quelque chose qui ne s’est pas encore produit et qui n’arrivera peut-être jamais, mais grâce à l’imagination vous savez, vous n’oubliez pas, grâce à elle vous vous souvenez de ce que ça vous ferait.

 

Extrait P 257

Et si on n’a pas l’inspi ? Mélissa fait la moue. Je vais donner une consigne, il répond. Ne vous inquiétez pas. L’inspi, ça n’existe pas. On écrit, on lit à voix haute, on en discute, on voit ce que ça donne, on réécrit. Y a pas d’inspi.

On va lire à voix haute ? Là, Mélissa est carrément dégoûtée. Devant tout le monde ? Elle a dit ça comme elle aurait dit, Je vais pas me déshabiller devant tout le monde. Et elle a un peu raison, bien sûr.

 

Extrait P263

Quand je sors de chez moi

Je connais pas le nom des rues

Des résistants des soldats inconnus

Des héros de la France qui se rêve

En nation des droits de l’homme et de la Révolution

La France qui se rêve

En pays de la haute culture et de la séduction

La France qui se rêve

En patrie de la gastronomie et de la baguette tradition

La France qui se rêve

En héritière des Lumières et de l’émancipation

La France qui se rêve

Universelle comme un empire, c’est la nation de l’intégration

Mais c’est la France qui se rêve

Celle que je connais a poussé comme du chiendent dans le béton

Elle s’appelle Adama Youssoufa Demba

C’est les potes du ter-ter les enfants du bendo mes frères

Ils m’ont appris la loyauté l’honneur les rires et la colère

Ils m’ont appris le ballon le business la baston chaque loisir a son âge

Ils tiennent un coin de trottoir en bas des cinq étages

Revendent de la cess et des cailloux basés au détergent

Des produits tout nouveaux des marchés émergents

A des costards et des jeunes gens rebelles des quartiers chics

…..

 

Extrait P 270

Lui, il continue d’y croire. Vingt ans. Il aurait pu être muté à Paris, peut-être même en Bretagne, mais il est resté là. Persuadé que si on arrête d’envoyer des gens comme lui devant des élèves comme eux, on le paiera très cher, tous. Il s’en est fait une espèce de mission. Et cependant les trente-six ados devant lui n’en ont strictement rien à foutre, de Jules Michelet, du peuple et de la Révolution française. Vingt ans, donnés comme ça, vingt années tombées dans l’oubli d’une administration aveugle, sans aucune reconnaissance, mortes pour la France. Mais c’est pas grave. Il n’y a pas besoin d’être héroïque pour être courageux. Et sans courage, pas de bonheur. Ça, c’est de Rousseau. Denis se raidit. Monsieur, je ne vous permets pas.

Le père d’élève lui colle une baffe.

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