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Le passeur de livres - Carsten Henn


Petit roman « prescrit » par un collègue qui l’a adoré ! Il m’en a fait l’éloge, évoquant un livre intéressant, d’abord facile, et néanmoins plus profond qu’il n’en a l’air, idéal donc en fin de trimestre scolaire (!).

C’est une belle histoire, avec un petit côté « conte de Noël », mais pour tout dire, je l’ai quant à moi trouvée parfois un peu trop lisse et prévisible. Mais c’est aussi un beau récit, plein de tendresse, un hommage aux livres, aux libraires, au pouvoir « guérisseur » des livres.


Il s’agit d’un vieux libraire, Carl Kollhoff, qui est imbattable pour conseiller ses clients-lecteurs : il connaît les goûts de chacun et sait, comme personne, trouver le bon titre pour la bonne personne. Outre son travail dans la librairie, il a un réseau de clients particuliers à qui il livre à domicile leurs livres, sur commande. A chacun de ces clients, il associe un personnage célèbre de roman, allant jusqu’à rebaptiser ses lecteurs. Il travaille pour une librairie qui appartenait à un de ses amis. Désormais âgé et à la retraite, c’est sa fille Sabine Grubel qui est devenue sa patronne, il la connaît depuis qu’elle est née !


Carl mène une vie très calme, routinière, simple…Mais toute sa vie va être chamboulée en peu de temps par le télescopage de plusieurs événements : une petite fille Schasha dynamique et atypique l’aborde et s’incruste dans sa tournée, sa patronne décide de supprimer son service de tournée et son vieil ami meurt. Alors qu’il n’aime pas les enfants d’ordinaire, il s’attache profondément à Sschascha. Sous l’influence de la fillette, il décide de continuer sa tournée et s’immisce de plus en plus dans la vie de ses clients rebaptisés Brindacier, Darcy, par l’intermédiaire de livres qu’il choisit pour eux. Mais, petit à petit, autour de lui tout se désagrège et c’est lui qui va avoir besoin d’aide. Les livres qui ont toujours été ses amis, pourront-ils l’aider ?


Une lecture agréable, divertissante avec des personnages attachants. Le récit est truffé de références littéraires. C’est une histoire pleine de tendresse et de sensibilité, qui plaira aux amoureux des librairies. Carl est un libraire qu’on aimerait tous connaître ! Même si l’ensemble m’a semblé parfois un peu prévisible et plein de « bons sentiments » pour être pleinement crédible, j’ai passé de bons moments avec tous les personnages de ce roman.


Extrait n°1

Pouvez-vous me recommander un bon roman ? La question qui justifiait le métier de libraire venait de fuser. Ursel Schäfer, la femme qui l’avait posée, savait précisément ce qui, pour elle, faisait un bon roman. Un livre devait la divertir le soir dans son lit jusqu’à ce que ses yeux se ferment. Il devait aussi la faire pleurer à trois endroits au minimum, quatre de préférence. Il ne comptait pas moins de trois cents pages, mais jamais plus de trois cent quatre-vingts. Enfin, d’amères expériences de lecture lui avaient appris à se méfier des romans dont la couverture était verte. — Je serais ravie de vous conseiller, répondit Sabine Gruber, qui dirigeait La Porte de la ville depuis trois ans. Qu’est-ce que vous aimez lire ? Ursel Schäfer ne voulait pas répondre, elle voulait que Sabine Gruber le sache pour elle : en tant que libraire, celle-ci devait être naturellement douée de clairvoyance.


Extrait n°2

Carl Kollhoff marchait beaucoup, et réfléchissait tout autant. Il lui semblait parfois qu’il ne pouvait penser correctement qu’en marchant. Comme si ses pas devaient battre le pavé pour que ses idées se mettent en mouvement.


Extrait n°3

Lire beaucoup ne fait pas de vous un intellectuel. Manger beaucoup ne fait pas non plus de vous un fin gastronome. Je lis très égoïstement, pour mon plaisir, pour l’amour des bons récits, pas pour apprendre quelque chose sur le monde.


Extrait n°4

Il connaissait Sabine depuis sa naissance. Il l’avait fait rire aux éclats et sauter sur ses genoux en lui chantant « À dada sur mon bidet ». Il lui avait lu une histoire après l’autre. Elle l’appelait oncle Carl. Sabine était l’un des très rares enfants à l’avoir aimé. Mais lorsqu’elle avait pris la direction de la librairie, elle l’avait convoqué dans son bureau pour lui expliquer qu’ils allaient désormais se vouvoyer. C’était plus convenable ainsi. Carl avait trouvé que ce n’était pas convenable du tout.


Extrait n°5

Toute ma vie j’ai été enseignante en école primaire. Et même si je ne travaille plus aujourd’hui, je le suis restée. Parce que l’enseignement, ça ne vous quitte pas, expliqua-t-elle avant de se redresser. — Comme si le métier s’accrochait à toi ? — Ça paraît un peu désagréable, dit comme ça, répondit Mme Brindacier en grimaçant. C’est plutôt comme une bague précieuse qu’on ne peut plus ôter. On sent parfois qu’elle est là, mais la plupart du temps, on ne la remarque même pas. Les autres, si.

Extrait n°6

Carl sourit. Il se savait étrange bien qu’il ne l’ait jamais vraiment senti. L’étrangeté elle-même, si elle durait assez longtemps, finissait par paraître normale. Peut-être uniquement pour soi, mais cela suffisait.


Extrait n°7

Il faut défaire le nœud. Je ne révélerai rien ! Carl prit une profonde inspiration. Cette fillette s’avérait totalement imprévisible. Elle avait l’air tout à fait inoffensive, mais il se passait dans sa petite tête toutes sortes de choses qui n’avaient rien d’inoffensif.



Extrait n°8

Tu sais, il n’y a pas de livre qui plaise à tout le monde. Et s’il y en avait un, il serait mauvais. On ne peut pas être ami avec tout le monde, parce que chacun est différent. Ou alors il faudrait être sans personnalité, sans angles ni aspérités. Et même comme ça, cela ne se pourrait pas, car les gens ont besoin d’angles et d’aspérités. Tu comprends ? Chacun a besoin de livres différents. Parce que ce qu’une personne aime du fond du cœur en laisse une autre complètement indifférente.


Extrait n°9

Je ne veux dicter sa conduite à personne. Quand on achète des livres, on est libre. C’est une chose fantastique. Si tout nous est imposé dans la vie, au moins peut-on encore décider de ce qu’on lit.


Extrait n°10

Même la veste jaune de Schascha, qui la faisait ressembler à un soleil planté sur deux jambes sous un ciel très couvert ce jour-là, ne réussit pas à lui remonter le moral. — Tu as l’air différent, fit-elle remarquer en guise de salut. — Je suis le même, pourtant. — Tes yeux ne sont pas comme d’habitude, insista Schascha qui recula pour l’observer attentivement. — Je n’en ai qu’une paire, et on ne peut pas en changer. — Tu as pleuré ?

—Non.

—Tu as pleuré à l’intérieur, peut-être ? Pas avec des larmes dans les yeux, mais avec le cœur ? — Avec des larmes dans le cœur ? — Oui, c’est ça. — Mais pourquoi mes yeux auraient-ils l’air différents, alors ? — Ils ont honte parce que c’est eux qui sont censés pleurer.



Extrait n°11


A peine eut-il lu la première phrase du roman du liseur que Carl perçut son chaud baryton. Il lui semblait que le texte n’était constitué que de mots agréables à prononcer, comme si chaque ligne avait été écrite avec l’oreille – ce qui, pour d’évidentes raisons anatomiques, était une absurdité. Il y avait aussi des mots terribles, mais là encore, le liseur avait choisi ceux dont la sonorité mettait en joie. Carl se mit spontanément à lire à voix haute, ce qu’il ne faisait jamais.


Extrait n°12


Même quand un livre merveilleux finit au bon endroit, au bon moment, et que tout ce qui aurait pu y être ajouté n’aurait fait que détruire cette harmonie, on voudrait qu’il compte plus de pages. C’est le paradoxe de la lecture.

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