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Marie Curie - Janine Trotereau

  • Photo du rédacteur: deslivresetmoi72
    deslivresetmoi72
  • 12 août 2020
  • 7 min de lecture

Je lis rarement des biographies, seulement pour quelques personnes que j’admire vraiment et dont je trouve la vie « extraordinaire ». Marie Curie fait bien entendu partie de ces personnalités charismatiques, inspirantes et fascinantes. Si je connaissais bien sûr certains de ses titres et ses grandes découvertes scientifiques sur la radioactivité, j’ai énormément appris dans ce livre sur la chimiste et physicienne et sur la femme, la mère, l’amie qu’elle a été. La biographie est très complète et bien documentée et la reprise chronologique en fin d’ouvrage est intéressante et permet d’apprécier la richesse et la « densité » de la vie de Marie Curie ! L’autrice ne s’intéresse pas uniquement à la carrière de Mme Curie, mais aussi à sa jeunesse en Pologne, à ses relations familiales et amicales. De nombreux extrait de sa correspondance illustrent les différents chapitres.

J’ai relevé beaucoup de passages au fil de ma lecture... Marie Curie est vraiment une femme moderne et un exemple : elle a beaucoup œuvré pour la recherche, mais aussi pour donner aux femmes leur place dans les études et travaux scientifiques.

Extrait P 54

J’avais peu de temps pour travailler dans ce laboratoire. Je ne pouvais généralement y aller que le soir après dîner ou le dimanche, et j’y étais livrée à moi-même. J’essayais de reproduire diverses expériences décrites dans les livres de physique ou de chimie, et les résultats étaient parfois inattendus. De temps en temps, une petite réussite inespérée venait m’encourager, d’autres fois je tombais dans le désespoir à cause d’accidents ou d’échecs dus à mon inexpérience.

Extrait P61

Outre l’adaptation à un nouveau pays, une nouvelle culture, Marie doit s’accommoder d’une autre forme d’enseignement qu’elle va vite apprécier. Ce qu’elle rapportera, des années plus tard, en répondant à une enquête :

L’étudiant qui arrive en France ne doit pas s’attendre à y trouver une direction de tous les instants vers un but utilitaire. Le système français consiste à éveiller chez l’étudiant la confiance en ses propres forces et à lui donner l’habitude de s’en servir. Cette tendance qui est déjà très marquée dans des classes les plus élevées des lycées domine complètement l’enseignement des universités, où le but des maîtres consiste plutôt à créer de larges possibilités de libre travail qu’à former des disciples. Les exercices imposés et la discipline scolaire ne jouent pas de rôle essentiel. L’étudiant qui a été soumis à un autre régime et à une surveillance stricte de ses études peut se trouver au début quelque peu surpris et désorienté. Mais l’influence du milieu et surtout l’exemple des camarades entraîne une adaptation rapide, à tel point que les jeunes gens qui ont apporté le désir sincère de s’instruire, une fois acclimatés, n’aiment plus se soumettre à d’autres conditions de travail, dans lesquelles leur personnalité aurait moins d’expansion libre.

Extrait P 73

Elle ne peut que céder devant les pressions de tous et la véritable coalition qui s’est liguée en faveur de Pierre. Mais il s’en faut de près d’un an et la pensée d’abandonner la Pologne est sans doute ce qui la fait le plus souffrir. Elle avait tant de projets pour son pays natal, tant d’ambition pour son peuple. Ce sont les idéaux de sa jeunesse qu’elle trahit en acceptant, par son mariage, de se fixer en France.

Extrait P 117

La visite dont je parle, eut lieu au mois d’avril 1902. J4avais amené avec moi un savant – il est mort tragiquement depuis, écrasé par une voiture, - et sa femme, non moins savante que lui. Ils n’étaient jamais venus à Meudon, et ne connaissaient pas Rodin. Ils étaient aussi simples que le Maître lui-même Lorsque j’eus fait des présentations, ils n’échangèrent pas une parole. Ils se serrèrent la main, se regardèrent, puis au moment du départ se serrèrent la main à nouveau, très longuement, et ce fut tout. Non, ce ne fut pas tout. Dans le regard qu’ils échangèrent, il y eut un monde d’intelligence, d’appréciation, de compréhension. […] Le mari, châtain, long et sec, la femme petite et blonde, avaient tous les deux, au même degré l’unique désir de passer inaperçus.

Extrait P 125

La recherche scientifique est souvent déviée par des buts intéressés. On veut arriver à une publication ou on précipite des conclusions mal assises. Voyez, la recherche n’est bonne que si elle est entreprise avec le seul désir de soulever un coin du voile. Ensuite, il faut publier bien entendu, car nous devons nos résultats à la communauté, mais il ne faut les lui donner que parfaitement sûrs.

[…]

Je suis de ceux qui pensent, avec Nobel, que l’humanité tirera plus de biens que de mal des découvertes nouvelles.

Extrait P151

Vous savez quel était l’agrément et la sûreté de son commerce ; vous savez quel charme délicat s’exhalait pour ainsi dire de sa douce modestie, de sa naïve droiture, de la finesse de son esprit. On n’aurait pas cru que cette douceur cachât une âme intransigeante. Il ne transigeait pas avec les principes généreux dans lesquels il avait été élevé, avec l’idéal moral qu’il avait conçu, cet idéal de sincérité absolue, trop haut peut-être pour le monde où nous vivons.

Extrait P 161

En ce qui concerne notre éducation, il est assez curieux que ma mère qui avait été le type même de la bonne écolière, réussissant en tout, marquât une grande méfiance pour l’enseignement donné dans les lycées ; il faut voir peut-être là en partie l’influence de mon père qui avait été instruit dans sa famille et n’aurait jamais pu être un bon élève normal, car il aimait travailler en profondeur un sujet déterminé, mais ne pouvait pas passer rapidement d’un sujet à un autre comme on est obligé de le faire en classe. D’autre part ma mère estimait qu’en France le nombre de cours et de devoirs est trop grand et ne laisse pas assez de place à des activités diverses, à l’exercice physique, à la promenade.

Marie a été jusqu’à écrire à sa sœur Hela :

« J’ai parfois l’impression qu’il vaudrait mieux noyer les enfants plutôt que de les enfermer dans els écoles actuelles. »

Extrait P 180

Hier j’ai fait le premier cours en remplacement de mon Pierre. Quel navrement et quel désespoir ! tu aurais été heureux de me voir professer en Sorbonne et moi-même je l’aurais si volontiers fait pour toi. – mais le faire à ta place, ô mon Pierre, pouvait-on rêver une chose plus cruelle, et comme j’en ai souffert, et comme je me sens découragée. Je sens bien que toute faculté est morte en moi, et je n’ai plus que le devoir d’élever mes enfants et aussi la volonté de continuer la tâche acceptée. Peut-être aussi le désir de prouver au monde et surtout à moi-même que celle que tu as tant aimée avait réellement quelque valeur.

Extrait P 184

« Notre société, où règne un désir âpre de luxe et de richesse, ne comprend pas la valeur de la science. Elle ne réalise pas que celle-ci fait partie de son patrimoine moral le plus précieux, elle ne se rend pas non plus suffisamment compte que la science est à la base de tous les progrès qui allègent la vie humaine et en diminuent la souffrance. »

Extrait P 209

Dans cette affaire, rares sont toutefois les journaux qui lancent quelque accusation que ce soit contre Paul Langevin : sa femme est une victime, sa maîtresse une ogresse, une veuve adultère ! Ce sont les femmes qui font les unes, l’homme est blanchi de tout soupçon. Hormis une fois, et exceptionnellement, dans l’œuvre, sous la plume de Gustave Téry, directeur du journal :

Il y a dans votre aventure, un homme à qui l’on peut s’adresser pour couper court à cette farce jésuitique ; cet homme, vous ne réussirez pas à la couvrir de votre jupe : il s’appelle Paul Langevin. Rien ne m’empêchera d’écrire que le monsieur, qui, ayant reçu vos lettres et suivi vos conseils, laisse ou fait aujourd’hui traîner dans la boue par tous ses amis la femme qui porte son nom, la femme qui restera la mère de ses quatre enfants, cet homme-là, fut-il professeur au collège de France, n’est qu’un mufle et un lâche.

Extrait P 229

Pour apporter la radiologie jusqu’aux ambulances du front, il faut d’abord des voitures. Marie en fait la quête auprès de femmes riches, leur assurant de les leur rendre à la fin du conflit. Nombreuses sont celles qui font don de leur véhicule à moteur. La voiture n° 1 comme la voiture n° 2, prêtée par M. Ewald, architecte, entreront dans la légende. Car en ces temps de la guerre, même les blessés sont transportés en voitures hippomobiles où on les entasse sans façon, et ils sont nombreux à mourir sur les routes cahoteuses avant même d’avoir rejoint les postes de secours. D’autant que les brancardiers à cette époque sont recrutés au petit bonheur la chance sans formation médicale de quelque nature que ce soit. Marie déniche aussi les carrossiers capables de transformer les limousines en voitures de radiologie.

Une fois l’automobile trouvée, encore faut-il l’équiper. Ce que Marie ne tarde pas à faire avec l’aide d’organisations, tels que la Croix-Rouge française fondée cinquante ans auparavant et la Patronage national des blessés, récemment institué, ou l’Union des femmes françaises, fondée en 1879.

Extrait P 238

La bataille et la radioscopie et de la radiologie est alors définitivement gagnée – elle a démontré à quel point l’utilisation des rayons X est indispensable en médecine et en chirurgie -, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, grâce à la guerre.

Extrait P 292

Le fait que ma mère ne recherchait ni les relations mondaines, ni les relations avec des gens influent, est considéré parfois comme une preuve de modestie. Je crois que c’est plutôt le contraire : elle avait un sens très juste de sa valeur et ne se sentait nullement honorée de rencontrer des gens titrés ou des ministres. Elle a été je crois très contente d’avoir eu l’occasion de faire la connaissance de Rudyard Kipling, mais le fait d’avoir été présentée à la reine de Roumanie lui était absolument indifférent.

Extrait P 296

Je pense qu’à chaque époque on peut avoir une vie intéressante et utile. Ce qu’il faut, c’est ne pas la gâcher et pouvoir se dire : « J’ai fait ce que j’ai pu. » C’est tout ce que l’on peut exiger de nous, et c’est aussi la seule chose capable de nous apporter un peu de bonheur.

Extrait P 305

(Discours de François Mitterrand lors de l’entrée au Panthéon)

Le combat de la science est celui de la raison contre les forces de l’obscurantisme, c’est le combat de la liberté de l’esprit contre l’esclavage de l’ignorance. Oui, liberté, même si parfois les découvertes de la science peuvent être dévoyées afin de ruiner la vie. C’est accroître la liberté que d’apaiser la souffrance ; c’est accroître la liberté que de réduire les dépendances matérielles et spirituelles qui entravent la capacité de l’homme de choisir son destin.

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