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Mon mari - Maud Ventura

  • Photo du rédacteur: deslivresetmoi72
    deslivresetmoi72
  • 23 sept. 2022
  • 6 min de lecture

Attirée par la quatrième de couverture, ce roman est arrivé depuis quelques mois dans ma pile de livre à lire. Cherchant une lecture plutôt facile et pas trop longue en ce mois de rentrée intense, je viens de le lire. Et, finalement, après une bonne première impression, j’ai été vite lassée et déçue…je suis allée au bout du livre, mais j’avais hâte d’en finir pour passer à autre chose, malgré une belle écriture, dans un style léger et agréable à lire ! Ce n’est pas la forme qui m’a gênée, mais bien le fond !


Une femme décrit son amour débordant et envahissant pour son mari après 15 ans de mariage. Et sa façon de concevoir l’amour m’a surprise et parfois choquée, car ce qu’elle décrit, ce n’est pour moi, pas de l’amour, mais de la possessivité, de l’idolâtrie… A aucun moment je n’ai pu m’identifier à elle, ni même la comprendre : elle dit aimer son mari, mais elle le trompe, elle lui ment, elle ne supporte pas ses défauts, elle lui cache sa véritable personnalité pour lui offrir l’image de la femme parfaite telle qu’elle la conçoit !Elle est mère de deux enfants, mais, pour elle, ils ne représentent que des obstacles dans son rêve de fusion absolue avec son mari. Elle passe son temps à analyser chaque micro-réaction de son mari et ressasse ses rancœurs, se venge mesquinement au lieu de lui parler…Les scènes semblent tourner en boucle avec beaucoup de redites, si bien qu’au bout d’un moment, l’agacement contre cette femme superficielle et au comportement d’enfant gâté a pris le dessus… Peut-être ( sûrement) que certains lecteurs s’y retrouveront ou auront de la tendresse pour cette femme, mais moi, elle m’a énervée !


Extrait 1

On m’a déjà demandé si mon travail en tant que traductrice m’avait donné envie d’écrire à mon tour. La réponse a toujours été la même : je ne me sens pas autrice. Quand je traduis, je ne suis qu’une interprète, et cet état de fait me convient parfaitement. Je n’ai rien à inventer, et cela tombe bien parce que je n’ai pas beaucoup d’imagination. Je préfère observer, analyser, déduire ; décortiquer un texte, en dévoiler les sous-entendus, en découvrir le ton implicite – être aux aguets, telle une enquêtrice à la recherche d’indices cachés. En plus, je repense souvent à Marguerite Duras : « Je n’ai jamais écrit, croyant le faire. » La suite de ma citation préférée contenait depuis toujours cet avertissement : attention, ne pense pas que tu écris, tu traduis.



Extrait 2

J’écris régulièrement dans ce carnet pour donner du sens à ce que je vis. Ce n’est pas un journal intime à proprement parler. Je ne rédige rien. Tout tient en une ligne ou deux, et le remède à mon angoisse ou à ma colère m’apparaît, limpide. C’est une drôle d’habitude dont je n’ai jamais parlé à personne, mais écrire me fait du bien.


Extrait 3

Le temps passe mais je n’ai aucune idée de l’heure puisque les volets clos et les rideaux tirés m’empêchent d’apercevoir le jour qui paraîtra bientôt. Je suis à la fois exténuée et incapable de dormir. Pendant ce temps-là, mon mari continue à profiter d’un sommeil égoïste. À cet instant précis, je le déteste.


Extrait 4

Mon idéal serait un tête-à-tête perpétuel avec mon mari : nous sommes tous les deux dans notre salon, nous buvons un café corsé et nous discutons pendant des heures. Parfois, je m’imagine seule sur terre avec lui. J’invente une épidémie foudroyante, une guerre nucléaire dont nous sommes les uniques survivants, une île déserte où nous échouons après un accident d’avion. Quand je pense à mon propre bonheur, il se conjugue systématiquement à deux : nous sommes seuls et nous sommes deux.


Extrait 5

Si je pouvais lui parler, je dirais à Phèdre qu’il est plus douloureux encore d’aimer celui qu’on possède déjà. Moi, je n’ai aucune raison d’être triste. Si je devais expliquer à un passant pourquoi je pleure, qu’est-ce que je pourrais lui dire ? Que je suis dévastée parce que mon mari pense que je suis une clémentine ? Que je m’effondre parce qu’il a pris les lasagnes ? Que je suis en pleurs parce qu’il a laissé un pourboire important ? Au fond, je sais que mes larmes n’ont aucune raison d’être. Celles de Phèdre sont limpides comme du cristal, les miennes sont monstrueuses. Malgré nos différences, nous nous rejoignons au moins sur une chose avec Phèdre : notre refus de l’amour. Toutes les deux, nous aurions préféré ne pas aimer. Nous subissons les conséquences d’un amour trop intense et inapproprié. Aucune complaisance à être une femme amoureuse.


Extrait 6

Alors ce n’est peut-être pas comme tu le voudrais, mais tu l’as dit toi-même : ton mari te soutient, te connaît, te respecte et t’aime. Je pense que tu as tort sur toute la ligne. C’est ton mari, l’amoureux. Pas toi. Toi, tu ne l’aimes pas vraiment. » Ses paroles flottaient au-dessus de la piscine vide. Je n’ai rien répondu. Je me suis levée et j’ai plongé dans le bassin. Comment pouvait-elle affirmer que je n’aimais pas mon mari alors que mon problème était précisément que je l’aimais trop ? Je me suis promis de ne plus jamais me confier à quelqu’un. Pourtant, quelque chose sonnait juste dans ses mots. C’est peut-être ce qui m’a autant blessée. Ils faisaient aussi étrangement écho au deuxième segment de ma citation préférée de Marguerite Duras : « Je n’ai jamais aimé, croyant aimer. »



Extrait 7

Après quelques minutes, elle a prononcé ces paroles que je n’ai pas oubliées : « Je pense que tu te trompes sur toute la ligne. Tu ne t’es jamais dit que ton mari t’aimait plus que toi tu l’aimes ? Tu dis que tu es folle amoureuse de lui, mais ne crois-tu pas que c’est lui le véritable amoureux ? De vous deux, c’est le seul dont l’amour ait dépassé l’amour passionnel des débuts. Toi, tu vis encore dans cette phase d’obsession qui ne dure normalement que les premiers mois d’une relation. Tu ne lui fais même pas confiance, c’est comme si vous n’aviez rien construit ensemble.


Extrait 8

En amour, je n’ai jamais rien appris. Depuis l’adolescence, je répète le même schéma : j’aime tellement fort que je me consume dans mon propre amour (en analyses, en jalousie, en doutes) – si bien que lorsque je suis amoureuse, je finis toujours par être un peu éteinte. Quand j’aime, je deviens sévère, triste, intolérante. J’installe une ombre de gravité sur mes amours. J’aime et je veux être aimée avec tellement de sérieux que cet amour devient vite épuisant (pour moi, pour l’autre). Bref, j’ai l’amour malheureux.



Extrait 9

Parfois, je me demande si je devrais me sentir coupable de fouiller dans les affaires de mon mari. Mais j’arrive toujours à la conclusion que non, pour une raison simple : je rêverais qu’il fasse la même chose. J’aurais enfin la preuve de sa jalousie et la confirmation de son attachement. Malheureusement, je sais qu’il ne le fait pas.


Extrait 10

Mais c’est à l’échelle de la minute que la situation devient insupportable. Prenons mercredi soir par exemple. Les enfants sont couchés, nous regardons un film sur le canapé. Mon mari ne me prend pas la main alors qu’elle est posée bien en évidence sur ma cuisse. Puis, je glisse ma main sous la sienne. Il ne réagit pas. Quelques minutes plus tard, il change de position, lâche ma main et ne la reprend plus. À l’échelle de cette minute, il m’apparaît clairement que mon mari s’éloigne et que notre couple est en péril. Quand mon mari ne me prend pas la main, quand il fait de moi une clémentine, quand il ne me pose pas de questions sur ma journée, quand il ferme les volets et tire les rideaux avant de dormir, quand il me coupe la parole, quand il oublie le prénom d’une collègue dont je lui parle souvent, quand il ne témoigne pas d’une impatience particulière à me retrouver, quand il lâche ma main dans la rue, quand il ne répond pas à l’un de mes appels, quand je le surprends à garder les yeux ouverts lorsqu’il m’embrasse : ces minutes observées donnent à mon mariage un air de chanson triste. Chacune dépose sur nos quinze ans d’amour un goût amer de solitude, d’attente, et d’abandon. Et une minute obscurcit sans effort toutes nos années.


Extrait 11

Si l’on pouvait identifier nos dernières fois avec autant d’évidence que nos premières, il est certain que des milliers de moments seraient vécus plus intensément.

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