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Stupeur - Zeruya Shalev

  • Photo du rédacteur: deslivresetmoi72
    deslivresetmoi72
  • 30 août
  • 7 min de lecture
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Livre acheté d’occasion lors de la dernière foire aux livres annuelle de ma ville. Beaucoup de choses pour me plaire d’après la quatrième de couverture : une histoire de famille, de secrets de familles, sur plusieurs générations dans un contexte historique réaliste, celui de la création de l’état d’Israël.

J’ai commencé cette lecture pleine d’attente et j’ai été assez déçue…par le style, puis par le contenu. J’ai trouvé le style très bavard, répétitif, rendent le récit parfois un peu confus. Ensuite, concernant le cœur de l’histoire, peut-être mes attentes étaient-elles trop importantes, mais je suis restée sur ma faim…les vies parallèles d’Atara et de Rachel restent très cloisonnées, et c’est au lecteur de construire les passerelles entre leurs deux vies, leurs destins. Je me suis un peu perdue dans ce livre, le plaisir s’est étiolé et je suis allée au bout, mais avec la hâte d’en finir, sans beaucoup de plaisir. Je suis vraiment passée à côté de cette histoire… sans me l’approprier.

 

Rachel, jeune femme idéaliste, a mené la lutte contre l’occupation par les Britanniques aux côtés de Menahem, Mano. Ils se sont mariés très jeunes, mais leur mariage n’a duré qu’un an. Ensuite, chacun a refait sa vie, construit sa propre famille, a eu des enfants… Atara est donc la fille de Mano, elle a découvert l’existence de Rachel par hasard, et a entrepris de la retrouver après la mort de son père, quand ce dernier, mourant, s’adresse à elle en la confondant avec Rachel, avec un message d’amour, amour qu’il n’a jamais su exprimer pour elle. Le récit alterne entre la vie de Rachel, vieille dame qui se remémore un passé un peu idéalisé, et Atara aux prises avec une famille recomposée, dans une relation assez houleuse avec son second mari.

 

Extrait page 18

Ainsi en avait décidé le destin. Aucun moyen d’atteindre Jérusalem, la ville était encerclée, le cœur de Mano aussi. Il n’existait pas de voie de contournement pour elle et peut-être que cela avait été pour le mieux, jamais elle ne le saurait. A quoi bon se remémorer tout cela au bout de soixante-dix ans ? D’ailleurs, elle n’y aurait pas pensé sans l’insistance de cette Atara qui l’avait prise au dépourvu quelques mois auparavant, dans le hall du théâtre, et qui, à présent, se faisait désirer : pendant l’entracte, une inconnue l’avait abordée alors qu’elle attendait dans la longue file devant les toilettes, et s’était présentée avec tant d’émotion qu’on aurait dit que le spectacle avait migré hors de la scène pour évoluer de manière inattendue. Comment m’avez-vous reconnue ? faillit-elle lui demander, qui vous a parlé de moi ? a cet instant, elle était abasourdie et agacée – elle n’avait jamais mentionné ce premier mariage devant ses fils, cette union immature qui n’avait rien donné et avait tenu un an jour pour jour. « Vous êtes bien Rachel, n’est-ce pas ? fut la première question, posée sur un ton presque implorant. Je suis Atara Rubin, la fille de Mano. Quel bonheur de vous avoir trouvée !

Elle avait dit Mano, pas Menahem, pas professeur Rubin, comme si d’emblée, elle l’avait incluse dans son cercle familial le plus restreint et, lorsque Rachel la détailla du regard, une pensée absurde la frappa de stupéfaction, cette femme que je ne connais pas aurait pu être ma fille.

 

Extrait page 23

Tiens, et si elle l’appelait, lui, en attendant. Dans ce genre de situation, il sait se montrer rassurant – même si, en l’occurrence, définir dans quel genre de situation elle se trouve est difficile, vu qu’elle est en train de vivre une grande première. Pau importe, il sait apaiser les tensions qui ne le concernent pas, les problèmes qu’il n’a pas causés et qu’il n’est pas censé résoudre. « Alex, c’est vraiment bizarre, je suis perplexe, je lui ai parlé il y a une heure à peine, et maintenant elle ne répond pas au téléphone et n’ouvre pas sa porte. Tu crois qu’il lui est arrivé quelque chose ou qu’elle a changé d’avis ? tu crois que je dois apprendre encore un peu ou abandonner ? » Sans hésiter, il y va aussitôt de ses reproches, « pourquoi me poses-tu des questions si tu ne m’écoutes jamais ? ça fait un an que je te dis de laisser tomber, mais tu es complètement obsédée par cette Rachel, impossible de t’arrêter. Je n’ai d’ailleurs toujours pas réussi à comprendre pourquoi tu t’es tout à coup souvenue d’elle. », et elle réplique, « qu’est-ce qui est si dur à comprendre ? Je n’imaginais pas à quel point cette relation avait été importante pour mon père. A quel point cette femme avait bousillé sa vie, et par ricochet, la mienne », mais il la provoque, « ah, je croyais que c’était moi qui t’avais bousillé la vie », fidèle à sa propension à ramener systématiquement la conversation dans un périmètre qui leur est familier.


Extrait page 91

Elle (Rachel) aimait l’entendre avancer ses théories à l’architecture très élaborée, parfaitement argumentées. Elle n’était pas la seule. Même leurs officiers venaient de temps en temps demander conseil à ce jeune homme brillant qui citait aussi facilement Jabotinsky et Brenner, Nietzsche et Marx que les prophètes bibliques. « Aucune raison de nous abaisser devant la culture des Européens, reprochait-il aux camarades, les prophètes d’Israël les ont devancés en tout ! » Mais cette question était devenue marginale dès que le mouvement était déchiré entre droite et gauche, tiraillé des deux côtés. On se ressemblait mais on n’avait pas les mêmes idées, on partageait davantage des traits de caractère qu’une doctrine. Ce n’était pas un hasard si l’on trouvait côte à côte, dans le Lehi, Yossef le communiste et Zvi le croyant. Ils étaient frères d’armes, mais avaient presque tous échoué sur la question la plus importante, à savoir qui était leur ennemi.

Elle justement, pourtant une des plus jeunes et des moins instruites du groupe, doutait parfois, mais avec Mano Rubin, impossible de discuter. « Les Arabes qui vivent ici ne sont pas nos ennemis », répétait-il, s’accrochant au moindre détail qui indiquait une possibilité, fût-elle très mince, d’entente entre les deux peuples. » Nous allons réussir à fonder ensemble un front commun contre l’envahisseur britannique, nous avons les mêmes intérêts, nous tous, tous les habitants de cette région, sans distinction de religion, de race ou de nationalité. »


Extrait page 93

Voilà des heures qu’elle est allongée sans bouger, la bouche sèche, les yeux suivant le jour qui agonise, à moins que ce ne soit déjà l’aube qui monte derrière le volet baissé. Elle n’aurait jamais dû accepter de rencontrer cette femme, elle n’aurait jamais dû recevoir cette lettre d’outre-tombe, elle sent que cela la met en danger et, pourtant, il n’y a rien qu’elle désire davantage que de la revoir.

Le problème c’est qu’elle peine à tendre la main vers son téléphone, est-ce mieux ainsi ? Car elle ne sait plus si elle donnerait ou prendrait à Atara, si ce serait une bénédiction ou une malédiction. Pour l’instant, un jour nouveau se lève, une blessure ancienne se rouvre. Peut-être son dernier jour, peut-être son dernier devoir. Alors, la gorge aussi sèche que si elle avait passé la nuit à pleurer ou à discuter, elle finira tout de même par lui dire, « bonjour Atara, je suis désolée de ne pas avoir pu vous aider hier. Si vous revenez aujourd’hui, je vous raconterai de qui vous portez le prénom. »


Extrait page 123

Le portrait de Marx, nombreux étaient ceux qui l’accrochaient volontiers dès qu’ils avaient une chambre. Dans leur réseau, on trouvait aussi bien des socialistes et des communistes que des révisionnistes ou des mystiques et des révolutionnaires. Ce qui les unissait n’était pas une vision du monde identique, mais une ferveur identique. Chacun avait sa foi, croyait à sa manière en des doctrines différentes, mais quel que fût leur bord, ils étaient tous des jusqu’au-boutistes. C’est ce qui leur attirait les foudres autant de la droite que de la gauche. Très peu de gens avaient su, à l’époque – et c’était encore le cas, voire pire, aujourd’hui-, qui avaient réellement fait partie du Lehi. Personne n’avait eu conscience de l’envergure de leur vision. Ils rêvaient d’une révolution qui mettait en ébullition tous les peuples de la région, d’un Moyen-Orient libéré et tout impérialisme et imaginaient des déplacements volontaires et logiques de populations.

 

Extrait page 148

Atara s’attendait à une histoire plus simple, à la trahison d’une femme et non du destin. Le destin ne peut trahir puisqu’il ne promet rien. Mais qu’est-ce qui avait poussé son père à renoncer à sa première épouse puis à elle, sa première fille ? Pourquoi lui avoir donné ce prénom s’il voulait oublier, Ou, a contrario, pourquoi s’être conduit ainsi avec elle s’il voulait se souvenir ? A moins qu’il n’y ait jamais eu de rapport entre son prénom et leur terrible relation filiale, mais dans ce cas, pourquoi cette histoire lui a-t-elle été racontée d’une voix brisée de compassion ?

 

Extrait page 222

En entendant sa fille la réconforter avec chaleur et amour , elle entend surtout l’absence de chaleur et d’amour qu’elle exprime à l’égard d’Alex, l’absence de tristesse que lui inspire le décès d’un homme auprès duquel elle a tout de même passé une grande partie de sa vie et, pour la première fois, Atara sent qu’un fossé les sépare, c’est pourquoi les paroles sensées d’Avigaïl n’arrivent ni à l’atteindre, ni à l’étreindre.

Non, la demoiselle n’a pas l’air triste et elle n’essaie pas non plus de faire comme si cet homme allait lui manquer, comme si son monde avait perdu quelque chose. On peut même identifier dans sa voix un rien de satisfaction puérile, la voilà enfin débarrassée de l’élément perturbateur qui s’est incrusté dans sa vie alors qu’elle n’avait que trois ans.

 

Extrait page 343

Était-ce à cause de la mort de cette jeune fille ou à cause de la mort d’un avenir auquel il avait cru ? A moins que cette faille n’ait fait partie de lui depuis toujours ? Derrière son absolue détermination, comment l’imaginer vulnérable à ce point ? S’en était-il d’ailleurs remis ? A bien y réfléchir, elle l’avait peu connu, malgré les quatre années d’amour qu’ils avaient partagées, malgré les heures passées à se languir l’un de l’autre ; ils se connaissaient tous très mal, d’ailleurs ils se connaissaient aussi très mal eux-mêmes. Que savaient-ils de leurs réelles aptitudes, de leurs motivations les plus profondes ? Galvanisés par un sentiment de grandeur et de sublimation, ivres de certitudes, persuadés qu’ils sauraient diriger la roue de l’Histoire, totalement aveugles à leur propre aveuglement. Mano s’est autant mystifié lui-même qu’il a été victime d’une réalité mystificatrice. Quand tu te lances dans la bataille, tu ne sais pas de combien de force et de résistance tu disposes, pas non plus quel sera le prix que tu auras à payer.

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