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Tout le bleu du ciel - Melissa Da Costa

  • Photo du rédacteur: deslivresetmoi72
    deslivresetmoi72
  • 21 nov. 2021
  • 4 min de lecture


Ce livre est mis en avant depuis longtemps dans les différentes librairies que je fréquente, et je l’ai souvent pris en main pour lire la quatrième de couverture…puis reposé. Je me disais que ce serait larmoyant, que le thème et l’étiquette «feel good» promettaient un récit un peu mièvre ruisselant de « bons sentiments » et je renonçais. Mais, finalement, en cherchant des livres à offrir à ma mère hospitalisée, je l’ai repris en main…et cette fois j’ai lu les premières pages…et je l’ai acheté, pour moi. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

Et finalement, ce roman, je l’ai dévoré et adoré ! Certes, il répond aux codes du « feel good », mais il est surtout lumineux malgré le thème du jeune homme de 26 ans condamné par une maladie dégénérative. Je ne sais pas pourquoi, comment, mais ce roman est touchant sans en faire trop, émouvant sans être mièvre, triste sans être démoralisant. Depuis que j’ai commencé le livre, j’en ai d’ailleurs parlé avec d’autres amis lecteurs avec lesquels je partage beaucoup de points communs concernant les choix de lecture, et nos avis se rejoignaient. Alors même que je pensais qu’il n’avait pas lu ce livre pour les mêmes mauvaises raisons que mes aprioris initiaux, l’un d’eux m’a dit « En fait, on ne sait pas pourquoi, mais ce qu’on n’aime pas trop d’habitude, là ça marche ! »

Alors qu’ils ne se connaissent pas et n’ont pas grand-chose en commun, Emile et Joanne partent à l’aventure en semble, pour un road trip en camping-car. Pour lui, atteint d’une forme très précoce d’Alzheimer, ce sera le dernier voyage. Tous les deux vont apprendre à vivre ensemble, à se découvrir, et chacun va évoluer au contact de l’autre pour au final former un vrai duo.

Les deux personnages principaux sont attachants et ne sont pas « lisses », ils ont leurs côtés sombres, leurs sautes d’humeur, leurs défauts. Même si l’histoire paraît au départ assez invraisemblable, on finit par y croire. Les différentes étapes du voyage sont autant de façons pour l’auteure de s’intéresser aux nouvelles tendances et choix de vie tels que les chantiers participatifs, la permaculture, le retour à la nature, la vie en complète « autonomie » et le rejet de la société prônant une consommation excessive et ultra-connectée. Les situations sont authentiques et sonnent justes. Un très bon moment de lecture, et j’en suis sûre, un livre dont l’histoire restera longtemps gravée dans ma mémoire. A Lecture à recommander sans hésitation !


Extrait P 10

Il relit l’annonce. Il trouve qu’elle laisse un goût bizarre en bouche. Un peu amer. Mais il se dit que c’est bien comme ça, que c’est suffisamment noir pour décourager les âmes sensibles et suffisamment insensé pour décourager les personnes conventionnelles. Seule une personne suffisamment spéciale pourra déceler le ton décalé de cette annonce.


Extrait P 61

Il n’a jamais rencontré personne comme cette fille. Elle porte un réservoir d’eau, elle grimpe dans un camping-car avec le premier venu, mais elle a peur de l’orage. Il ne peut s’empêcher de sourire.


Extrait P 161

Il a l’impression qu’ils croisent des gens sur leur ascension mais il n’en est pas sûr car il est plongé dans ses pensées. Il croit comprendre ce que veut dire Joanne quand elle déclare qu’elle préfère marcher seule, et même quand elle s’isole pour méditer dans un champ. On se retrouvé plongé en soi, on n’est plus vraiment conscient de ce qui se passe autour. L’effort physique permet au mental de totalement lâcher prise. Les pensées se succèdent en tourbillon, mais un tourbillon calme et serein. A certains moments, on est à peine conscient qu’on pense. Il y a des souvenirs qui remontent tout doucement, qui s’imposent sans provoquer d’émotions douloureuses. On les regarde avec une certaine distance et avec bienveillance.


Extrait P306

Il y a un mois, Emile apprenait qu’il était condamné, qu’il passerait ses deux dernières années enfermé dans un centre d’essais cliniques. Aujourd’hui il mange une délicieuse gelée de lavande face au plus beau village qu’il ait jamais vu. Demain, il s’installera avec Joanne. Dans quelques semaines, ils se diront oui à la mairie. La vie n’en a jamais terminé. Il l’a bien compris. Tant qu’il décidera qu’il n’est pas mort, elle continuera de lui jouer de drôles de tours. Et il n’est pas encore mort. Au contraire. Il ne s’est jamais senti aussi vivant.


Extrait P 492

Il n’a jamais réalisé, avant Joanne, qu’il était passé à côté de son propre père. Ç’avait été une rencontre manquée. L’exemple d’un homme avalé par son quotidien. Un homme qui n’avait pas su être dans le présent, qui avait passé sa vie à s’inquiéter du futur. Il se demande s’il aurait terminé comme son père, avalé par un morne train-train, s’il avait eu l’occasion de vivre plus vieux. Plus jeune, il avait été fonceur. Il avait été vivant. Puis, avec le départ de Laura, il était devenu aigri et apathique. Il aurait sans doute terminé comme son père, mais dans le passé plutôt… la tête dans les regrets, oubliant de vivre au présent. Mais il y avait eu la maladie, le voyage, la rencontre avec Joanne.


Extrait P 621

Elle se met à pleurer. Tout à l’heure sur le marché, elle a réussi à retenir ses larmes, mais maintenant, face à Léon, c’est trop difficile. Elle aimerait ne pas avoir à détester ce visage qu’elle aime sincèrement. Mais il n’a rien dit.


Extrait P 697

Le silence revint dans la petite cuisine. Ils pleurent tous les deux en silence. Les larmes s’écrasent sur les petites pièces du puzzle. Joanne pleure et Emile pleure aussi car il perçoit toute sa douleur. Son infinie souffrance. Elle vient de la déposer en lui pour qu’ils la partagent, pour qu’elle ne soit plus seule à souffrir. Alors il accepte ce cadeau. Il l’accepte sans retenue. Alors il pleure avec elle jusqu’à l’aube, dans la petite cuisine de l’annexe, où s’éteignent une à une chacune des bougies tremblotantes, comme autant d’étoiles dans le ciel.

« Souffrir c’est donner à quelque chose une attention suprême » Paul Valéry, Monsieur Teste.


Extrait P 814

Elle a fait une terrible erreur. Elle n’aurait pas dû. Elle n’est pas seulement un compagnon de voyage pour une ultime escapade. Elle n’est pas seulement la femme d’Emile.

Elle est une mère. Ce soir, plus que jamais, elle est une mère et elle comprend qu’elle s’est fourvoyée. Elle a empêché une mère de serrer son petit dans ses bras. Une dernière fois.

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